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Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Gaza - La guerre des 11 jours

Dans les années 1190 avant JC, bien avant d’être islamisée, Gaza était une ville Philistine. Mais déjà, un avant-poste de la guerre contre Israël. La légende, et la Bible (Juges, 16) veulent qu’après avoir arraché les portes de Gaza, Samson succomba au charme d’une prostituée, Dalila, perdit sa chevelure miraculeuse, fut capturé par les Philistins, avant de mourir en faisant s’écrouler les colonnes du temple de Gaza. Des milliers de philistins périrent avec lui.

Trois mille ans plus tard, les philistins ont légué leur nom à la Palestine, et Gaza est toujours en guerre contre Israël.

L’épisode le plus récent, cette guerre des 11 jours de mai 2021, restera sans doute dans l’Histoire comme l’un des tournants majeurs du conflit presque centenaire du Proche-Orient de l’époque contemporaine.

Non par le nombre de morts : 260 au total, en grande majorité Gazaouis, soit moins qu’une journée de pandémie du Covid en France le mois dernier... Ni même par la violence des échanges de missiles et de bombardements aériens, sans commune mesure dans l’horreur avec bien d’autres guerres récentes, comme celle de Syrie, qui dure encore.

Si cette guerre de 11 jours marque un tournant c’est parce que, comme l’a justement noté le Jérusalem Post, si « Israël a gagné la bataille, le Hamas a gagné la guerre ».

Le Hamas a gagné cette guerre d’abord parce que celle-ci a été déclenchée non par l’État hébreu ou par un État arabe, mais par lui, le Hamas, une organisation terroriste, considérée comme telle, par la communauté internationale, le Hamas qui règne sans partage sur Gaza depuis 2007. C’est le Hamas qui a pris l’initiative des frappes contre les villes israéliennes, en se saisissant des provocations Israéliennes sur Jérusalem Est et l’Esplanade des mosquées en pleine fête du Ramadan, pour porter l’étendard de la lutte contre l’État hébreu.

Nétanyahou aurait dû se souvenir que c’est la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées en septembre 2000, qui déclencha la deuxième intifada. Mais sans doute la tentation était-elle trop forte pour ce Premier ministre en sursis, allié aux ultra religieux et autres suprématistes juifs : il fallait montrer sa force pour tenter de se maintenir au pouvoir.

Ce que Nétanyahou n’avait pas prévu, c’est qu’à Gaza, Ismael Hanyeh saisirait l’occasion pour s’emparer de la question symbolique de Jérusalem, au nom de tous les Palestiniens mais aussi de tous les musulmans, pour attaquer par surprise les villes Israéliennes.

Mais Israël n’a pas perdu que l’initiative de la violence dans cette guerre. Il a également perdu son image d’invulnérabilité. Même si son système de défense anti-missiles, le fameux « dôme de fer », est parvenu à intercepter 90 % des 4500 missiles lancés contre Israël, de nombreuses villes ont été frappées, l’aéroport international de Lod a dû être fermé et des milliers d’Israéliens n’ont eu d’autre choix que de se réfugier dans des abris anti-aériens.

À cette vulnérabilité s’en est ajoutée une autre, plus mortelle encore à terme : l’explosion soudaine de haine et de violence extrêmes dans de nombreuses villes et quartiers « mixtes », entre citoyens Israéliens : arabes contre juifs. Ouvrant ainsi, sinon le spectre d’une guerre civile, du moins un gouffre béant de défiance durable à l’intérieur même du pays.

Ceci sans même parler des conséquences extérieures : une image une nouvelle fois dégradée en Europe et dans le monde, qui a réduit à néant le succès mondial d’Israël dans la gestion du Covid : une nouvelle fois, Israël est accusé de violences disproportionnées contre des populations civiles. Pire encore, des critiques nouvelles sont apparues au sein même du parti Démocrate au pouvoir à Washington, venant fissurer pour la première fois la sacro-sainte alliance américaine pour la sécurité d’Israël. Quant aux États arabes qui, pour la très grande majorité d’entre eux, avaient depuis longtemps, par lassitude ou par intérêt, passé la « cause palestinienne » par pertes et profits, ils voient aujourd’hui, non sans inquiétude, celle-ci reprise par les Frères musulmans, c’est-à-dire le Hamas et leurs alliés turc et iranien.

Car derrière le Hamas, c’est bien-sûr l’Iran qui remporte cette manche, en ayant depuis des années financé, conseillé, livré les composants pour la fabrication de dizaines de milliers de missiles au Sud d’Israël, au Hamas, comme au nord au Jihad islamique établi au Liban.

Après cet épisode tragique, la région du Moyen-Orient est donc à l’image de Gaza City : un champ de ruines.

Vacance du pouvoir en Israël, où des élections législatives à répétition depuis deux ans n’ont abouti à aucune majorité susceptible de gouverner et encore moins de trouver une solution au conflit. Après 12 ans de règne « Bibi » est toujours là, mais pour combien de temps encore ? Quant au côté palestinien, à Ramallah, Mahmoud Abbas, élu en 2005 (!) n’a pas osé tenir la moindre élection depuis celle perdue en 2006 face au Hamas précisément, lequel règne seul depuis lors sur Gaza, après en avoir expulsé Manu militari les cadres de l’OLP.

Comment reconstruire donc ?  

À commencer par Gaza, en évitant que l’argent de l’aide internationale ne serve à reconstituer les usines sous-terraines de missiles, plutôt que des écoles ?

Et comment reconstruire le fameux « processus de paix », alors que les Européens sont absents, que les États-Unis sont décidés à se désengager et que les parties en cause, à Jérusalem comme à Ramallah, n’ont ni leader ni stratégie ?

Les portes de Gaza ont donc été arrachées. Mais Samson, loin d’avoir triomphé, demeure prisonnier de cette guerre sans fin. Reste à éviter le suicide collectif, un jour ou l’autre, avec l’Iran nucléaire en embuscade…

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