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Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Et la Bible sauva l’Ukraine…

 

« Il existe un consensus bipartisan pour ce genre de leadership américain », proclama triomphalement Joe Biden, après avoir promulgué la loi portant 95 milliards d’aide militaire, dont 61 pour l’Ukraine (le solde étant réparti entre Israël et Taïwan). « Nous n’abandonnons pas nos alliés, nous les soutenons. Nous ne laissons pas les tyrans gagner, nous nous opposons à eux, nous ne nous contentons pas d’assister en spectateurs aux évolutions du monde, nous les façonnons ». Davantage qu’un triomphe de l’Amérique internationaliste, le vote de cette loi est en fait l’aboutissement de six mois de pressions en tous genres et de coups tordus en coulisse, autour d’un homme central dans cette affaire, Mike Johnson, représentant jusqu’ici parfaitement inconnu de Louisiane et élu par défaut à la Présidence de la Chambre des Représentants en octobre 2023.

En ce mois d’octobre, le flamboyant « Speaker » d’alors, Kevin McCarthy, est destitué par ses propres collègues députés Républicains, ou plutôt par la fraction trumpiste des Républicains, qui voit en lui un traître vendu à Biden et aux Démocrates. En octobre, Trump a assis son pouvoir sur le Parti et refuse de prolonger l’aide militaire à Kiev. Priorité au « mur » à la frontière mexicaine et à la lutte contre l’immigration clandestine. Le robinet vers Kiev est fermé d’un seul coup en cette fin d’année fiscale.

Panique à Kiev où les munitions viennent très vite à manquer pour l’artillerie et la défense antiaérienne surtout. Panique en Europe aussi, où l'on se retrouve seuls à soutenir l’Ukraine alors que les arsenaux sont vides et les usines d’armement pour l’essentiel fermées ou au ralenti, après 30 années de désarmement budgétaire unilatéral. Malgré tous les appels virils à « l’économie de guerre », il faut se rendre à l’évidence, l’intendance ne suit pas. Les Russes, qui eux sont vraiment passés en économie de guerre, en profitent pour gagner du terrain, menacer Kharkiv, et avancer dans la région de Donetsk. Zelensky annonce que l’Ukraine « risque de perdre cette guerre » si le Congrès ne vient pas en urgence au secours de son pays.

C’est ici qu’intervient le miracle biblique.

Johnson est lui aussi Trumpiste, anti-homo, anti-avortement et anti-aide à l’Ukraine. Mais il est surtout un Baptiste fervent, et les Ukrainiens le savent. Devant chez lui, à Benton, une association ukrainienne, RAZOM, a déployé un immense panneau d’affichage portant ce verset biblique : « Pour des Temps comme ceux-ci », avec la photo d’une église Baptiste bombardée par les Russes à Berdyansk. Johnson va recevoir un casque de pompier envoyé du front, en hommage à son père lui aussi pompier volontaire. Puis dans son bureau, le Speaker reçoit un autre Baptiste, un Ukrainien, Sehii Gaidarzhi, dont la femme et la fille ont été tuées lors d’un bombardement à Odessa. Tous deux prient, à genoux, dans le bureau… Survient également l’attaque iranienne contre Israël. Johnson fait partie de ces sionistes chrétiens pour qui le peuple juif est sacré en terre Sainte, car il va revenir au Christ…

Alors Johnson, dûment briefé par Biden en personne dans le Bureau Ovale, par son conseiller à la sécurité, Jake Sullivan, par William Burns, le patron de la CIA, par les huiles du Pentagone, voit enfin la lumière : « Poutine et Xi sont l’axe du Mal. Ils doivent être stoppés ! ». Malgré sa promesse faite à Trump à Mar-a-Lago de ne pas céder sur l’Ukraine, malgré les menaces répétées de ses collègues trumpistes qui jurent de le destituer, Johnson a tenu bon et il a fait voter l’énorme paquet financier avec la totalité des 210 voix Démocrates et 101 Républicains (112 ayant voté contre). Trump, lui, a gardé le silence, occupé par son procès à New York...

La guerre va donc pouvoir reprendre de plus belle et s’installer dans la durée, au moins jusqu’à la présidentielle de novembre. « Mieux vaut tard que trop tard », a conclu, un brin fataliste, le Premier Ministre Polonais, l’autre Donald, Donald Tusk…

Ainsi va le leadership américain en ces temps troublés… ou quand la Bible sert de boussole stratégique…

 

Pierre Lellouche
Tribune VA 26/4/23

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