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Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Veillée d’armes sous les cerisiers en fleur

 

Des fleurs de cerisiers partout. Des éventails géants. Des milliardaires comme Jeff Bezos, des stars comme De Niro, Bill et Hillary Clinton bien sûr, et même Paul Simon pour pousser la chansonnette, sans oublier la spectaculaire robe translucide signée Oscar de la Renta, pour son épouse… Joe Biden avait particulièrement soigné son cinquième dîner d’État, en l’honneur de Fumio Kishida, mercredi dernier à la Maison Blanche. Kishida, qui aura l’honneur de s’adresser au Congrès le lendemain, avant de participer au sommet tripartite auquel a été également convié Ferdinand Marcos Jr, le Président des Philippines.

Sous les cerisiers, c’est en fait une véritable veillée d’armes qui s’est tenue à Washington, face à un adversaire unique : la Chine.

Le dimanche précédent, avaient commencé des manœuvres navales communes, associant également la Marine australienne, signalant aux Chinois, que malgré l’Ukraine et Gaza, et l’imminence d’une attaque iranienne contre Israël, les États-Unis entendent bien rester pleinement engagés en Asie-Pacifique.

Une région, où profitant du « chaos mondial » qu’il a lui-même décrit, Xi Jinping n’a cessé de pousser ses pions, déclarant sienne la totalité de la Mer de Chine du Sud, en empiétant parfois violemment sur ses voisins philippins, ou vietnamiens. En procédant aussi à un impressionnant réarmement dans la région avec, en trois ans seulement, le déploiement de 400 chasseurs supplémentaires, 20 frégates, en multipliant par deux le nombre de ses missiles, le tout grâce à un budget militaire en hausse de 7%.

Pour le Commandant américain de la zone Asie-Pacifique, l’Amiral John Aquillino, le doute n’est plus permis : la Chine lancera son invasion de Taiwan en 2027 au plus tard. C’est donc le branle-bas de combat en Corée et aux Philippines, avec des moyens supplémentaires américains. Mais au Japon surtout, où Kishida a publié en décembre dernier une nouvelle doctrine en matière de sécurité nationale, qui prévoit pour la première fois des exportations d’armes fabriquées au Japon (hors zone de guerre, cependant) : le Japon va ainsi livrer aux États-Unis des batteries de défense antiaérienne Patriot, fabriquées sous licence dans l’archipel, afin de permettre à Washington de prélever sur ses stocks d’autres Patriot qui seront livrés à l’Ukraine.

Mais surtout, le Japon va doubler son budget de défense, à 2% du PIB, le tout avec 55% de soutien dans l’opinion publique. La page pacifiste de l’histoire du Japon de l’après-guerre est en train d’être tournée : 80% des Japonais considèrent la Chine comme une menace. Le pays va donc se doter d’une panoplie de nouveaux sous-marins, de drones submersibles, de moyens spatiaux, en attendant le lancement, plus sensible, d’un arsenal de missiles à moyenne portée, technologie que maîtrise déjà Mitsubishi… Cela, comme l’a dit Kishida, pour « répondre à l’environnement sécuritaire le plus sérieux et complexe depuis la Seconde Guerre mondiale ».

L’Administration Biden serre donc les rangs de ses alliés en Asie, après avoir créé l’AUKUS (de triste mémoire pour Macron) avec l’Australie et l’Angleterre, le Quad avec l’Inde et la Corée : une sorte d’OTAN bis se met donc en place par morceaux en Asie-Pacifique, cela au moment où Trump laisse entendre qu’il pourrait revoir le rôle des États-Unis en Europe, voire quitter carrément l’OTAN s’il est réélu…

Reste que les efforts de Biden face à la Chine sont jugés beaucoup trop mous par les Républicains. Deux anciens hauts responsables de l’administration Trump, Matt Pottinger et Mike Gallagher, publient cette semaine un article incendiaire dans la revue Foreign Affairs contre la politique chinoise de Biden : pour eux, il faut faire comme jadis Ronald Reagan face à l’URSS, « l’Amérique doit gagner sa compétition contre la Chine, pas la gérer ».

En tout état de cause, l’extension du chaos mondial à partir de l’Ukraine et de Gaza n’annonce rien de bon, et nécessiterait un réveil rapide de la part de nos dirigeants…

 

Pierre Lellouche, Tribune VA, 12/4/23

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