29 Mars 2023
À l'instar de Tintin dans Le Lotus Bleu, Emmanuel Macron s'est vu dans l'obligation d'emmener avec lui à Pékin, début avril, son "Capitaine Haddock" personnel : l'ineffable Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. L'incertitude plane quant à la présence de "Milou", alias Josep Borrell, le "ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne", dans les bagages présidentiels pour cette expédition inédite, qui mérite qu'on s'y attarde.
Jusqu'alors, on croyait naïvement que la France, en sa qualité de puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, était encore capable de mener sa politique étrangère de manière souveraine. Une époque révolue, semble-t-il, où un certain Général de Gaulle avait reconnu la République Populaire de Chine le 27 janvier 1964, avec pour conviction que la France devait pouvoir dialoguer directement avec la Chine.
Mais l'ère n'est plus, du moins du côté français, à l'ambition d'une voix "singulière" ou à un "rang" distinctif de la France sur la scène mondiale. Macron, fervent européiste et partisan de la mondialisation, a depuis longtemps substitué l'ambition nationale à une illusoire "souveraineté européenne". L'invitation de la Commission et de sa présidente à cette visite d'importance avec la première puissance mondiale en est le témoignage.
Cette démarche marque une étape cruciale dans l'effacement de toute aspiration nationale française sur le plan international. Pourtant, la Commission européenne ne s'était pas particulièrement distinguée par sa bienveillance à l'égard de la France, infligeant revers après revers aux tentatives françaises d'influencer les politiques européennes.
Au-delà des préférences présidentielles, ce voyage à Pékin illustre le déclassement plus profond de notre pays. La France, accablée par ses difficultés internes, ne se sent plus suffisamment forte pour s'entretenir d'égal à égal avec la Chine, cherchant désormais du soutien.
En novembre 2022, Macron avait déjà tenté, sans succès, de s'inviter au voyage officiel du chancelier allemand à Pékin, arguant que l'Europe est "plus forte unie" face à la Chine. Toutefois, l'Allemagne, présente en force en Chine avec ses nombreuses entreprises, n'était pas encline au partage.
Privé de la compagnie du chancelier allemand, le président français s'est résolu à solliciter la présence de la présidente de la Commission, espérant peser davantage sur la Chine. Mais quel triste constat de la réduction de la France ! Un déclassement qui suit l'humiliation de l'affaire des sous-marins australiens et l'échec des tentatives de médiation dans le conflit ukrainien, où la France a fini par se ranger derrière les positions européennes et atlantiques.
Désormais, Macron tente de convaincre la Chine de jouer le rôle de médiateur en Europe, alignant la France sur les ambitions de Xi Jinping. En 1964, De Gaulle avait cherché à briser le duopole américano-soviétique en se rapprochant de la Chine. Soixante ans plus tard, il semble peu judicieux pour la France de faciliter la quête de domination mondiale de la Chine.
Nul n'est De Gaulle qui le veut...
Pierre Lellouche, 29/3/23