Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Trump au défi d’expulser 11 millions d’immigrés clandestins

Trump au défi d’expulser 11 millions d’immigrés clandestins

« Dès que Trump posera sa main sur la Bible pour prêter serment, les expulsions d’immigrés illégaux commenceront à la vitesse de la lumière », promettait peu avant l’investiture du nouveau président l’un de ses plus proches collaborateurs, Steve Miller. Et la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, de surenchérir : « La plus vaste et la plus massive opération d’expulsion de clandestins de l’histoire vient de commencer. »

Elle a commencé, en effet, et en fanfare !

Images de gros porteurs C-17 de l’US Air Force atterrissant au Guatemala avec des dizaines d’expulsés du Texas et de l’Arizona, protestations d’autres illégaux brésiliens se plaignant d’avoir été enchaînés dans un avion militaire sans cesse en panne. Fort heureusement, le président Lula, qui a relayé leurs protestations, les a récupérés depuis l’Amazonie dans un avion brésilien.

Et que dire du président colombien Gustavo Petro, ancien guérillero du mouvement M-19, qui, après avoir défié Trump une journée entière en multipliant les rodomontades anti-yankees, a dû se résoudre le soir même à reprendre ses concitoyens expulsés, face à la menace de Trump d’augmenter les tarifs douaniers de 25 % la première semaine, puis de 50 % la semaine suivante...

Trump peut donc se réjouir, avec Tom Homan, le nouveau « tsar » de l’immigration et désormais patron de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), que « les choses se passent très bien. Nous attrapons les mauvais, les criminels endurcis. Ce sont des meurtriers, des méchants que nous expulsons en premier ». 3 000 en 48 heures…

Une communication soignée, une réalité plus complexe

Voici pour la « com’ ». La réalité, cependant, est autrement plus complexe, et Trump le sait bien.

En arrivant au pouvoir en 2017, il avait promis trois millions d’expulsions : il en a réalisé la moitié. Cette fois, Trump ne donne pas de chiffres. Et pour cause : rien que sous Biden, 4,5 millions d’illégaux supplémentaires ont pu entrer aux États-Unis, attirés par une politique fort généreuse. Au total, le nombre de clandestins aux États-Unis dépasse aujourd’hui 11 millions, selon les chiffres de l’ICE.

Première cible donc, la plus aisée : les 662 556 délinquants ou criminels, dont 435 719 détenus, qui seront expulsés dès leur sortie de prison, et 226 847 faisant l’objet de poursuites.

Plus difficile est le cas du million et demi de déboutés du droit d’asile, mais que leurs pays d’origine rechignent à reprendre (Cuba, Chine, Inde, Venezuela…). On connaît bien le sujet en France…

Restent alors huit millions de demandeurs de régularisation, à qui Biden avait accordé soit le statut de la protection temporaire, soit différents systèmes de sursis (« parole ») humanitaire. Pour compliquer un peu la vie de son successeur, Biden avait d’ailleurs, au tout dernier moment, le 9 janvier dernier, étendu de 18 mois la protection temporaire pour un million de ressortissants vénézuéliens, ukrainiens et autres Salvadoriens…

Ajoutons enfin les 80 000 mineurs non accompagnés, les 58 000 familles en attente de regroupement familial… Bref, une tâche dantesque, rendue plus difficile encore par le statut de « villes refuges », déjà adopté par de grandes villes telles que New York, Los Angeles ou Chicago, dont les agents municipaux ont ordre de ne pas faciliter la tâche des équipes de l’ICE. Une guérilla juridico-médiatique a déjà commencé, relayant la panique des quartiers immigrés concernés…

Si les procédures judiciaires s’annoncent moins lourdes qu’en France – les demandeurs illégaux n’ayant pas droit à la protection juridictionnelle (qui embolise chez nous la moitié de l’activité de nos tribunaux administratifs) –, la rétention des familles est limitée à 20 jours et, surtout, les moyens vont vite manquer.

L’ICE ne compte que 55 000 agents (il faut deux ans pour en former un), 40 000 places de rétention administrative et 12 avions de 125 places

Mais comme toujours, Trump veut ignorer ces obstacles. Prenant comme à chaque fois ses adversaires de vitesse, il décide que Guantanamo sera transformé en un immense camp d’internement, qui accueillera 30 000 « criminels » immigrés

Mission impossible ou défi à relever ?

Mission impossible, comme beaucoup le pensent en Europe, ou vrai défi que l’Amérique MAGA peut relever ?

Le pari de Trump sera sans nul doute suivi de près dans toute l’Europe…

Tribune VA - 5 février 2025

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article