26 Novembre 2021
Débarrassé de la perfide Albion, Emmanuel Macron pensait présider en majesté l’Union européenne à partir du 1er janvier, célébrer la « souveraineté européenne » dont il rêve, et au passage en profiter pour s’imposer dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle française.
Las ! Tel le sparadrap du capitaine Haddock, l’affreux Boris Johnson, « BoJo » pour les intimes, a décidé de fêter à sa façon cette fin d’année 2021, l’An I de sa « global Britain » post Brexit. Sacrée fin d’année en effet : le même jour, vendredi 26 novembre, les pêcheurs français en colère, car privés de licences de pêche britanniques, bloquent le port de Calais et de Saint-Malo. Au lendemain de la mort tragique de 27 migrants dans la Manche, Johnson rend publique une lettre à Macron, immédiatement dénoncée comme indigente à Paris. La Ministre de l’intérieur britannique Patel est brutalement désinvitée d’une réunion ministérielle prévue deux jours plus tard à Calais, destinée précisément à renforcer la coopération avec le Royaume-Uni contre le trafic des migrants…
Dans le même temps, EDF se demande ce qu’il reste de ses projets de centrales nucléaires au Royaume-Uni, après la décision de Londres d’exclure, pour des raisons de sécurité nationale, l’associé chinois de l’énergéticien français.
Quant à l’accord douanier post Brexit, dont la frontière passe par l’Irlande du Nord, rien est réglé non plus, malgré les concessions à répétition accordée par Bruxelles sur le contrôle des marchandises britanniques exportées vers l’Union.
Le tout avec un arrière-plan qui ne passe toujours pas : l’énorme humiliation infligée le 15 septembre dernier, toujours par le même BoJo et ses homologues américain et australien avec l’annulation du fameux contrat des sous-marins australiens jadis commandés à la France. Neuf mois durant c’est le même BoJo, qui, dans le dos de la France a été le principal architecte de l’accord de défense anglo-saxon dit AUKUS dans le Pacifique Sud, et de la livraison de sous-marins nucléaires américains à l’Australie en lieu et place des navires français…
Cela fait beaucoup de sparadraps…
Johnson voulait montrer à ses électeurs que son Brexit fonctionne et qu’il a désormais « repris le contrôle » : quoi de mieux que de s’asseoir sur les règles de droit européen et de les réécrire unilatéralement, en prenant en prime, la France comme bouc émissaire, l’un des sports favoris du côté de la Tamise. C’est ainsi que les points les plus sensibles de l’accord de 2020 sur le Brexit : la pêche, la frontière douanière de l’Union, et les migrants passés curieusement à la trappe pendant toutes ces années de négociations, sont autant de champs livrés à l’imagination britannique. Johnson réécrit donc la frontière douanière à sa façon, comme les conditions d’octroi des licences de pêche, et il exige même de la France qu’elle reprenne les migrants arrivés illégalement en Grande-Bretagne.
Le problème est que Macron, et le Premier ministre anglais le sait bien, ne peut pas agir seul , sauf à sacrifier sa stratégie européenne. La frontière douanière de l’union est en effet de la compétence de Bruxelles, tout comme les droits de pêche, l’ennui étant que les partenaires européens de la France hésitent, comme d’habitude à se mobiliser derrière Paris, surtout contre les Anglais… Quant à l’immigration, après 30 années de Jungle successives dans le Calaisis, face à des Anglais qui n’ont jamais été membres de Schengen et qui désormais ont quitté l’union, rien ne s’oppose en droit, comme l’a suggéré Xavier Bertrand, à ce que Paris dénonce unilatéralement l’accord bilatéral du Touquet de 2003, et cesse dès lors de servir de garde de frontière bénévole aux Britanniques : que les demandeurs d’asile voulant s’installer en Grande-Bretagne, fassent désormais leurs demandes à Douvres, ou à Londres, et non plus sur le sol français…
Mais cette fois, c’est Macron qui hésite, craignant l’appel d’air des migrants, mais surtout de se contredire dans sa grande stratégie européenne.
À ce rythme, les sparadraps du capitaine Haddock n’ont pas fini de coller à ses basques…et aux nôtres…