4 Août 2024
Les stratèges du Parti Démocrate, après des semaines d'hésitation, ont finalement tranché. Opération commando : en 24 heures chrono, Biden a été "débranché" le 21 juillet, sa remplaçante choisie le lendemain et vite intronisée par le gratin du parti, les dizaines de millions de dollars de la campagne sécurisés. La machine médiatique, très anti-Trump, New York Times et Washington Post en tête, l'a immédiatement encensée en héroïne de la démocratie menacée et en avocate des femmes et des minorités. La Kamalamania tourne à plein régime. Ouf de soulagement chez les Démocrates qui se remettent à espérer.
C'est qu'il fallait réagir, et vite. Depuis sa prestation calamiteuse lors du débat face à Trump, le 27 juin, Biden était devenu un boulet. Trump, lui, une sorte de héros miraculé après l'attentat raté contre lui le 15 juillet. Panique au Parti démocrate : le naufrage annoncé de Biden le 4 novembre entraînerait immanquablement avec lui la déroute de bon nombre de parlementaires démocrates sortants à la Chambre comme au Sénat, qui seraient eux aussi sacrifiés. Et cela, les caciques, avec en tête Nancy Pelosi, l'inusable ancienne Présidente de la Chambre, Charles Schumer et Hakeem Jeffries, les deux présidents de groupes Démocrates au Capitole, ne pouvaient l'entendre. En quelques heures, ils sonnaient le rappel de tous les parlementaires démocrates, mais aussi des Clinton et des Obama. Ces derniers se sont toutefois fait attendre huit jours. Obama tenait en peu d'estime son ancien vice-Président, au point de lui préférer Hillary pour affronter Trump en 2016. Quant à Kamala Harris, son jugement est à peu près le même que celui de tous les bons connaisseurs washingtoniens qui l'ont approchée : une ambitieuse, aussi revêche qu'Hillary, mais infiniment moins intelligente qu'elle, et qui ne dédaigne pas d'utiliser à plein ses origines métissées indo-jamaïcaines.
Procureur de Californie, elle avait tenté sa chance aux présidentielles de 2016 avant de décrocher rapidement après une campagne ratée, mais suffisamment pour se faire remarquer par Biden. Cela tombait bien : Biden cherchait une femme, préférablement de couleur, et qui ne lui ferait pas d'ombre. Kamala remplissait ces critères, ajoutant une propension pour les gaffes et une capacité certaine à asséner les phrases les plus creuses sur le ton le plus sentencieux. Du style : « Le passage du temps est d'une grande signification » ou mieux : « L'Ukraine est un pays d'Europe. Elle a pour voisin un pays plus grand, la Russie. La Russie a décidé d'avaler l'Ukraine qui est plus petite ».
Biden l'avait cantonnée à un dossier toxique, cheval de bataille de Trump, mais que lui-même fuyait : l'immigration clandestine latino à la frontière mexicaine. Harris dut s'y coller, sans grand succès. Ses soutiens prétendent aujourd'hui qu'elle y construisit son expérience internationale, pourtant limitée à une unique participation à la Conférence de la Sécurité de Munich en février dernier, où elle lut sur prompteur un discours convenu préparé à la Maison Blanche. Les Européens, paniqués par Trump, tout en étant conscients de l'inexpérience totale de Kamala, votent déjà Harris, laquelle devrait rester, espèrent-ils, sur la ligne euro-atlantique de Biden. Netanyahu lui, sait déjà après sa rencontre glaciale à Washington la semaine dernière, que Harris lui serait moins favorable, car plus sensible au mouvement pro-Gaza dans les communautés noire et musulmane aux États-Unis.
Désormais, Harris et Trump sont au coude à coude dans les sondages. Les bons connaisseurs pensent que Kamala ne peut pas gagner, d'autant que le bilan de Biden est médiocre à l'intérieur comme à l'international. Mais ils disent aussi que Trump, de par sa personnalité, est son meilleur ennemi. Et que lui, peut perdre…
Par Pierre Lellouche
Tribune VA, 28/07/2024