5 Septembre 2024
À l'approche des élections présidentielles américaines de novembre, la politique étrangère ne semble guère captiver l'intérêt des électeurs, à l'exception, peut-être, des questions liées à Israël et au conflit à Gaza. Pourtant, le monde entier suit de près cette campagne électorale tant l'influence des États-Unis reste prédominante dans les affaires internationales. L'enjeu principal demeure : les États-Unis poursuivront-ils leur engagement sur la scène mondiale, ou opteront-ils pour un repli stratégique ?
Après une convention démocrate réussie à Chicago la semaine dernière, Kamala Harris a redonné de l'espoir à son camp, jusqu'alors distancé dans les sondages. Représentant une Amérique multiculturelle et progressiste, Harris a fait de cette campagne un référendum contre Donald Trump, qu’elle a qualifié de « repris de justice autocrate » et « dangereux pour le pays ». Portée par un agenda centré sur les droits des femmes et des minorités, Harris incarne une rupture nette avec les élites traditionnelles. Pour la première fois depuis 1976, aucun membre des familles Clinton, Bush ou Biden ne sera en lice pour la présidence ou la vice-présidence. Autre première historique : une femme de couleur, d’origine afro-américaine et indienne, est désormais aux portes de la Maison Blanche.
Toutefois, une question demeure : la nouveauté de sa candidature suffira-t-elle à convaincre ? Harris a fait son entrée dans la course après le retrait forcé de Joe Biden, mais ses compétences font débat, notamment sur le plan de la politique étrangère. Son parcours en tant qu’ancienne procureure et brève sénatrice ne l’a pas préparée à la gestion des grands dossiers internationaux. Durant ses trois années en tant que vice-présidente, elle n’a joué qu’un rôle mineur, se concentrant principalement sur l'immigration à la frontière mexicaine. En matière de politique étrangère, Harris s'est montrée discrète, n'abordant ni le retrait des troupes d'Afghanistan ni la guerre en Ukraine.
Lors de la convention de Chicago, elle a repris les positions de Joe Biden, réitérant le soutien indéfectible des États-Unis à la sécurité d'Israël tout en réaffirmant le droit des Palestiniens à un État. Concernant l’Ukraine, Harris a déclaré vouloir poursuivre l’aide américaine contre l'agression russe. Sur les autres sujets majeurs comme l’énergie, l’économie ou les relations commerciales avec la Chine, Harris a maintenu un flou qui, paradoxalement, semble lui profiter : elle a réduit l’écart avec Donald Trump dans les sondages, prenant même une légère avance.
Malgré cette dynamique, la campagne reste très disputée. Harris devra bientôt se dévoiler davantage, notamment lors du débat crucial du 10 septembre, très attendu par ses alliés comme par ses adversaires. Ces derniers suivent avec attention ses rares interventions sur la politique internationale, dans un contexte où les États-Unis se divisent de plus en plus entre les bénéficiaires et les perdants de la mondialisation.
Un récent sondage mené par le Centre de politique étrangère de Chicago révèle l’éclatement du consensus bipartisan autrefois cher à Henry Kissinger. Alors que le Parti républicain s'éloigne des idéaux de la période Reagan pour renouer avec ses racines isolationnistes d’avant la Seconde Guerre mondiale, 54 % des électeurs républicains souhaitent désormais que l’Amérique se désengage des affaires mondiales, contre 68 % d’avis contraires parmi les démocrates. Seuls 13 % des républicains considèrent que les États-Unis ont la responsabilité de diriger le monde, tandis que 57 % prônent une réduction de leur engagement international. Cette fracture se reflète aussi sur le soutien à l’Ukraine : 51 % des électeurs républicains y sont opposés, contre 70 % du côté démocrate.
Lors de son discours à Chicago, Kamala Harris portait un tailleur bleu signé Chloé, un créateur français, symbole peut-être de l’ouverture aux influences internationales. Mais est-ce suffisant pour surmonter la tentation de l’isolationnisme ?