Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
25 Juillet 2025
Pour la visite d’État du président de la République française la semaine dernière, le roi Charles III avait déployé tous les fastes de la Couronne britannique : 41 coups de canon, des dizaines de chevaux et de Horse Guards, trois carrosses royaux, des landaus vieux de plus d’un siècle ressortis pour l’occasion, une immense table de 160 couverts à Windsor…
Succès garanti : Brigitte « émerveillée », dit-on, le président aux anges — lui qui n’est pas vraiment insensible aux honneurs…
Si la politique étrangère se nourrit aussi de symboles, comme celui de la fameuse « Entente cordiale », il n’est pas sûr cependant que ces images quelque peu surannées suffisent à masquer l’inquiétant déclassement que subissent en même temps les deux ex-grandes puissances du continent européen. Les deux économies vont mal, l’argent manque cruellement pour la défense, et les deux chefs d’État et de gouvernement, Macron et Starmer, sont au plus bas dans les sondages…
Au point que cette visite d’État fait irrésistiblement penser à la fable de « L’aveugle et du paralytique » de Jean-Pierre Claris de Florian (1792) : « J’ai mes maux, et vous avez les vôtres. Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux… »
Une vieille histoire entre Londres et Paris.
Louis-Philippe, auquel Emmanuel Macron ressemble étrangement, avait voulu sceller à partir de 1834 la réconciliation franco-anglaise face à la montée du bloc absolutiste (Prusse, Autriche, Russie). Sa doctrine : « l’ordre au-dedans, la paix au dehors ». Il n’obtint ni l’un ni l’autre, tout comme son lointain successeur aujourd’hui…
Vingt ans plus tard, en 1855, Napoléon III et la reine Victoria échangèrent eux aussi des visites fastueuses à Londres et à Paris, pendant que leurs armées alliées combattaient ensemble les Russes en… Crimée — cela (240 000 morts) pour sauver la Sublime Porte. Deux siècles plus tard, alors que la Crimée est à nouveau aux mains d’un autre tsar russe, Macron et Starmer se veulent à la pointe de la « coalition des volontaires » pour défendre l’Ukraine. À Westminster, Macron a exhorté les parlementaires britanniques à poursuivre le combat :
« Les Européens n’abandonneront jamais l’Ukraine… Le Royaume-Uni et la France doivent montrer encore une fois au monde que leur alliance peut faire toute la différence. »
Mais avec quels moyens, alors que leurs deux armées sont à l’os, et que Trump ne songe qu’à se retirer de « la guerre de Biden » ?
Au tout début du siècle dernier, en avril 1904, lorsque furent signés les accords appelés ensuite « Entente cordiale », il s’agissait, malgré Fachoda, de se répartir les sphères d’influence coloniales : l’Égypte pour Londres, le Maroc pour Paris, le Siam ou Madagascar — prélude aussi à la Triple Entente avec la Russie, contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.
Signe des temps : on ne partage plus aujourd’hui les colonies, mais les immigrés provenant justement de ces ex-colonies, qui, par dizaines de milliers, traversent la Manche pour atteindre l’Angleterre. Et nous voici, nous Français, engagés dans le rôle de gardes-barrière, subventionnés pour ce faire par Londres. Londres qui exige une doctrine plus agressive de la part de nos gendarmes, et propose un accord « one for one » : un immigré repris par la France pour un qui parvient à atteindre les côtes britanniques…
Drôle d’époque…
Fort heureusement, il reste encore le nucléaire. Depuis la déclaration des Chequers en 1995, Paris et Londres cherchent à conjuguer leurs doctrines en direction du reste de l’Europe : « Pas de situation dans lesquelles les intérêts vitaux des deux pays… pourraient être menacés, sans que les intérêts vitaux de l’autre ne le soient aussi », disaient alors Jacques Chirac et John Major.
Une formulation reprise à l’identique trente ans après par Macron et Starmer :
« Pas de menace extrême à la sécurité de l’Europe qui ne suscite pas de réponse rapide des deux pays. »
Reste à savoir si cette profession de foi rassurera le reste de l’Europe, au moment où Trump menace de retirer sa garantie nucléaire. Et surtout, comment elle serait mise en œuvre, car la décision du feu nucléaire ne se partage pas…
Macron rêve de « protéger par notre dissuasion nos alliés du continent européen ».
Starmer, lui, vient d’acheter une douzaine de F-35 américains pour porter des armes nucléaires britanniques, lesquelles ne pourront pas ne pas être sous le contrôle du Pentagone…
Faute de pouvoir réarmer sérieusement, comme l’Allemagne vient de le décider, Paris et Londres restent dans l’incantation. « Aidons-nous mutuellement, la charge des malheurs en sera plus légère », disait la fable…
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Les Chantiers de la Liberté - Pierre Lellouche
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