1 Octobre 2021
6 janvier 2021
Trump, vaincu, envoie ses partisans déchaînés envahir le Capitole, scène surréaliste d’un « auto- putsch » avorté qui fracturera l’Amérique.
Cette nuit-là, à 3h du matin (!), Macron intervient dans un message vidéo solennel depuis l’Élysée. Derrière lui, les drapeaux français et européens à sa gauche, et à sa droite…la bannière étoilée.
Et notre Jupiter de s’adresser en anglais au peuple américain, se posant en combattant de la démocratie dans le monde entier, autant qu’en allié et ami indéfectible des États-Unis.
Quelques semaines après, mais cela Macron ne l’apprendra que bien plus tard, le Premier ministre australien Scott Morrison, entame des négociations secrètes avec la Maison-Blanche et Downing Street, pour l’acquisition de huit sous-marins nucléaires américains, en lieu et place des 12 sous-marins diesel commandés à la France.
« L’ami » Biden, obsédé par la montée en puissance de la Chine donne son accord. Sa grande idée : une sorte d’OTAN de l’Indo- Pacifique, avec l’Australie, l’Amérique et le Royaume-Uni comme noyau central anglo-saxon, auquel s’ajouteront le Japon, l’Inde, voire la Corée du Sud. Tant pis pour la France et son contrat du siècle, dommage collatéral, jugé sans importance au regard Des enjeux en Asie.
Biden aurait certes pu s’y prendre autrement : « trianguler », en associant Français et Européens à l’endiguement de la Chine, et en maintenant le contrat français tout en le modifiant. A la place des sous-marins diesel voulus au départ par les Australiens, la France aurait pu livrer des Baracuda nucléaires, dont la propulsion est assurée par un réacteur à uranium faiblement enrichi. Au lieu de cela, les Américains ont préféré écarter brutalement la France et prendre le risque de la prolifération d’uranium hautement enrichi, de qualité militaire, qu’utilisent les sous-marins américains.
Pire encore, tout est tout a été fait pour humilier encore plus de la France en « dealant » dans son dos huit mois durant, sans qu’aucun service diplomatique ou de renseignements Français à Londres, Washington ou Canberra ne s’en aperçoive. Ni Biden, qui a rencontré Macron lors du G7 en Cornouailles en juin 2021, ni les ministres américains ou australiens qui ont rencontré leurs homologues français pendant toute cette période, n’ont soufflé le moindre mot sur cette affaire.
Pour la France l’humiliation est totale, l’affront planétaire.
Il faut remonter à l’affaire de Suez en 1956, où l’Amérique laissa sans réagir Boulganine menacer les Français (et les Britanniques) de représailles nucléaires, pour trouver un précédent d’une pareille gravité.
Pour la France et son rang dans le monde l’affaire est évidemment détestable et le signe d’un inquiétant déclassement stratégique.
Congédiée comme un valet par les Australiens, éjectée comme un supplétif corvéable à merci par les Américains, la France est déclarée hors-jeu dans le Pacifique, où elle dispose pourtant (mais pour combien de temps encore ?) de points d’appuis considérables avec Tahiti et la Nouvelle-Calédonie.
Mais en Europe même, sa situation n’est guère plus enviable.
Paris n’a pas osé demander le moindre sommet extraordinaire, ni de l’OTAN, ni de l’UE. Car sa solitude est patente, tout comme le manque de solidarité de ses alliés et partenaires. Malgré les paroles de soutien de la présidente de la Commission et du brave Charles Michel, les États européens eux, ont gardé le silence.
À l’OTAN, Polonais et Baltes en particulier ne regardent que vers Washington. L’Allemagne, en campagne législative, s’est tue. Et personne en Europe n’a envisagé sérieusement les représailles contre l’Australie, un temps voulues par Paris : les négociations commerciales avec Canberra continueront donc, comme si de rien n’était. Quant à la mesure symbolique du rappel des ambassadeurs, elle a fait Pschitt. Après huit jours de bouderie, l’ambassadeur Français a regagné son poste à Washington. Pas l’ombre d’une excuse, pas le moindre geste, sont venus de Biden lors de son échange téléphonique du 22 septembre avec Emmanuel Macron.
Ce dernier se contentera d’un tête-à-tête avec Biden, en octobre, en marge du G20 qui doit se tenir en Italie
En d’autres temps, très lointains il est vrai, le Général de Gaulle, réagissant à l’accord de Nassau de 1963, dans lequel les États Unis acceptèrent de livrer des missiles Polaris pour équiper les sous-marins nucléaires britanniques (prenant ainsi le contrôle de la force de dissuasion anglaise), décida de bloquer l’entrée du Royaume Uni dans la Communauté Européenne. Et trois ans plus tard, la France, n’étant pas parvenue, avec son Plan Fouchet, à convaincre ses partenaires de bâtir une Europe politique et de défense, quittait avec fracas le commandement intégré de l’OTAN.
Rien de tout cela aujourd’hui. Comme si nos dirigeants avaient intériorisé notre déchéance et notre impuissance. La « certaine idée », « le « rang » de la France ont disparu corps et bien, laissant place à la résignation de notre petitesse…
Notre Jupiter national, qui aime tant se saouler de mots et d’interminables discours, doit donc ravaler ses prétentions. Lui qui s’était posé comme le défenseur mondial de la démocratie, du climat et de tant d’autres grandes causes planétaires, lui qui s’était installé dans le rôle de donneur de leçons de bonne gouvernance au Liban, en Irak ou ailleurs, se contente aujourd’hui de se taire.
Seul dans son Palais, il doit ravaler sa « foi » dans l’Amérique, qu’il avait si bien proclamée le 6 janvier dernier. Comme il doit revisiter – du moins peut-on l’espérer – son autre crédo dans sa fameuse « souveraineté européenne » et son rêve « d’autonomie stratégique » de l’Europe, dont apparemment personne ne veut.
Bilan désastreux donc, où à l’humiliation de cette crise, s’ajoute l’humiliation supplémentaire de ses résultats.
Le Tartarin d’Alphonse Daudet voulait chasser le lion en Afrique du Nord. Notre Tartarin national apprend à ses dépens, qu’il est décidément bien difficile de chasser le kangourou sur des terres américaines.
Vous avez dit amateurisme ?