Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Ukraine : une sortie de crise est possible

Jusquen décembre 2021, la Russie avait répliqué aux élargissements successifs  de lOTAN conduits depuis la fin de la Guerre froide, par la stratégie dite des « conflits gelés » : Ossetie du Nord et Abkhazie en Géorgie ,prétextes utiles pour l’arrivée des forces russes à 40 km de la capitale Tbilissi en 2008(des forces retirées ensuite, en grande partie grâce à linitiative de Nicolas Sarkozy) ; Transnistrie, aux frontières de la Moldavie, et ce afin d’ éviter toute velléité de rapprochement de ce pays en direction de lOTAN ou de lunion européenne ; et bien sûr, Donbass en 2014 après les événements de Maidan et le renversement du président pro-russe Yanukovych à Kiev, cela avant linvasion, puis l’annexion de la Crimée en 2015.

 

En décembre 2021, jugeant que le moment lui était favorable, après le retrait piteux des Américains dAfghanistan, les problèmes internes de ladministration Biden, et la dépendance massive des Européens à l’égard du gaz russe,Poutine pose brutalement aux occidentaux un ultimatum : ou bien ceux ci sengagent par écrit ,et très rapidement, à stopper tout élargissement futur de lOTAN en Europe orientale et dans le Caucase , en arrêtant de surcroît toute activité militaire aux frontières de la Russie, ou bien…

 

Ou bien, cest le véritable encerclement de lUkraine par 150 000 soldats russes et la perspective désormais jugée imminente par les Américains eux-mêmes, dune invasion de lUkraine.

L’épreuve de forces dure depuis trois mois, et elle est sans précédent depuis la crise de Berlin où celle de Cuba en 1962…

 

Malgré les tentatives  méritoires d’ Emmanuel Macron, malgré les multiples contacts diplomatiques avec Moscou, la sortie de crise diplomatique semble aujourdhui hors de portée. Poutine entend stopper immédiatement l’élargissement de lOTAN à ses frontières ; en face Biden et ses alliés, Royaume-Uni en tête, et européens de l’Est surtout, insistent sur le principe de libre choix de chaque  État de choisir ses alliances, et notamment celui de lUkraine de rejoindre  lOTAN…

Glacis sécuritaire dun côté, « porte ouverte » de lautre : la négociation semble être définitivement bloquée.  Une seule perspective : la guerre.

 

Mais une guerre que les  Ukrainiens devront livrer seuls …Les États Unis ont demandé à leurs ressortissants de quitter le pays sous 48 heures, le Conseiller pour la sécurité nationale, Jake Sullivan précisant même qu’aucun soldat américain ne  viendrait les chercher. Idem pour tous les autres alliés.Personne n’ira mourir pour Kiev ,encore moins au nom des grands principes…Quant aux sanctions économiques dites «  massives », elles peinent à convaincre, y compris en Allemagne, où l’on ne peut plus faire sans le gaz russe, ni même sans le gazoduc Nord Stream II, qu’Olaf Sholtz s’est bien gardé de nommer lors de son déplacement récent à Washington…

Risquée du côté russe, la guerre n’est donc pas une option du côté occidental, sauf à contempler la destruction d’un pays, les millions de réfugiés, et la nouvelle glaciation du Continent qui en découlera.

 

Pourtant, une sortie de crise diplomatique existe bel et bien, qui pourrait sarticuler autour des quatre éléments suivants :

 

–un moratoire sur l’élargissement de lalliance ,pour une période suffisamment longue–20 années–afin de prendre en compte des intérêts de sécurité de la Russie, mais tout en conservant le principe de la « porte ouverte ».

 Soit dit en passant ,cest la position que sans le dire, Français  mais également Allemands, avaient adoptée en 2008 ,lors du sommet de lOTAN à Bucarest : Paris et Berlin réussirent alors à s’opposer à ladhésion de lUkraine et de la Georgie à lOTAN qu’Obama poussait à l’époque, en échange dune sorte de perspective laissée ouverte à long terme…

 

–Simultanément, il conviendra d’organiser le retrait des troupes Russes et occidentales sur la profondeur, doublé de linterdiction du déploiement d’armes nucléaires de portée intermédiaire sur le sol européen, et ce dans le cadre de nouveaux accords de limitation des armements, dans la suite du traité sur les armements conventionnels en Europe (MBFR) et du traité sur les forces nucléaires intermédiaire (FN I).

 

–En troisième lieu la question des territoires concernés par les conflits  gelés, serait gérée par le principe d’élections sous contrôle international, avec un seuil de majorité qualifiée nécessaire pour l’éventuel changement de statut de ces territoires.

 

–Enfin lensemble des relations Europe- Russie serait à lordre du jour dune modernisation des accords dHelsinki de 1975 et des accords de Paris de 1994, afin de remettre à plat lensemble des relations politiques, économiques et sociétales (y compris la question des droits de lhomme).

 

Trente ans après la dissolution de lURSS et du pacte de Varsovie, le temps est venu dimaginer lavenir du continent européen au-delà des systèmes de blocs militaires qui ont régi le statut de lEurope pendant un demi-siècle de Guerre froide.

 

En tout état de cause,le principe de la « porte ouverte » de lOTAN ne mérite pas d’être payé au prix de la destruction de lUkraine et dune nouvelle congélation de lordre européen pour les décennies à venir.

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