Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
26 Juin 2025
Narcisse, roi du monde : ou les ambitions contrariées d’Emmanuel Macron
Il fait beau sur la Côte d’Azur en juin. Et, en ce week-end de la Pentecôte, avant une série de déplacements particulièrement denses prévus les semaines suivantes — dont le G7 au Canada, une visite au Groenland et un sommet à New York sur la Palestine —, Emmanuel Macron n’avait pas résisté au plaisir de s’inviter à Monaco avec son épouse, en visite d’État… 41 ans après son lointain prédécesseur, François Mitterrand.
Entre Trump et ses droits de douane, Poutine et sa guerre en Ukraine, Netanyahou et la sienne à Gaza, cette autre guerre qui menaçait entre Israël et l’Iran, sans parler de la situation délétère en France, il est vrai que le président de la République n’avait rien de plus urgent à faire que de passer en revue une escouade monégasque de plantons d’opérette, joliment vêtus de blanc et de rouge, avant de s’entretenir avec le « Prince » local, soupçonné quant à lui de laisser prospérer sur le Rocher le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme…
Et comme le climat s’y prêtait, c’est à bord du Thalassa, navire amiral de l’océanographie française, que le président fit, le surlendemain, dimanche 8 juin, son entrée en majesté dans le port de Nice, pour présider le sommet de l’ONU sur les océans. Une façon originale, pour le moins, de célébrer, un an après, sa décision funeste de dissoudre l’Assemblée nationale.
Le pays est paralysé, ses finances en ruine, son gouvernement fantomatique, réduit à commenter l’actualité sans prise sur le réel, mais qu’importe ! Ce président hors sol fait comme si. Profitant même du sommet de Nice pour tancer son Premier ministre, pour avoir laissé détricoter son œuvre réformatrice en matière d’environnement, et accusant — sans le nommer — son ministre de l’Intérieur de « brainwasher » les Français sur de vulgaires « faits divers », alors que la violence liée à l’immigration incontrôlée explose dans tout le pays…
Toujours depuis Nice, Macron exigeait des Israéliens qu’ils libèrent au plus tôt les ressortissants français interceptés à bord d’un voilier en route pour Gaza, une fermeté qui tranchait alors avec l’extrême discrétion de la diplomatie française sur le cas d’autres ressortissants détenus dans les geôles iraniennes ou algériennes…
C’est que Macron, ayant durci le ton sur Gaza, s’apprêtait à reconnaître l’État de Palestine dix jours plus tard à New York, en compagnie du prince héritier d’Arabie — sa façon à lui de célébrer le 18 juin…
Le problème est que l’Histoire s’est accélérée sans prévenir notre Jupiter national.
C’est par la presse que le président découvrira, le vendredi suivant au réveil, l’attaque israélienne de la nuit contre les sites nucléaires iraniens. Si Netanyahou avait pris soin de prévenir Trump — ce dernier s’empressant de retirer une partie de ses personnels militaires et diplomatiques de la région —, Macron, comme ses collègues européens, était soigneusement tenu à l’écart. Ce qui en dit long sur l’influence de l’Europe — et de la France — au Proche-Orient…
Contraint d’annuler le sommet sur la Palestine, Macron sut cependant trouver les mots justes pour reconnaître « le droit d’Israël, comme chaque peuple, de vivre délivré de l’angoisse de l’anéantissement » ; comme il sut fort justement souligner « la menace existentielle que fait peser la marche de l’Iran vers l’arme nucléaire pour notre sécurité à tous ».
Restent les questions vertigineuses devant nous : comment, dans l’immédiat, bloquer les risques de nouvelles attaques terroristes iraniennes contre la France, comme ce fut le cas dans les années 1980 ? Comment construire, en France et en Europe, une défense antiaérienne efficace contre les missiles et les drones qui, inévitablement, menaceront demain notre territoire ? Comment protéger notre population, totalement vulnérable aujourd’hui ? Et d’ici là, faut-il ou non aider Israël à abattre des drones iraniens ?
Macron, lui, a repris le cours de ses déplacements. Après le week-end de Monaco, le dimanche suivant, 15 juin, était consacré au Groenland — « qui n’est pas à vendre », a dit Macron. Son ministre des Affaires étrangères, l’ineffable Jean-Noël Barrot, avait planté le décor en janvier dernier, évoquant l’idée baroque d’envoyer sur place des forces françaises… contre les velléités américaines. On croit rêver.
Pierre Lellouche – 15 juin 2025