21 Février 2022
Les nuages noirs de l’histoire européenne viennent à nouveau de s’abattre sur le destin de l’Ukraine.
Le 29 septembre 1938, Adolf Hitler annonçait son intention de » libérer » les populations allemandes des Sudètes de « l’oppression tchécoslovaque ». Quelques jours plus tard, ces territoires ,octroyés 20 ans plus tôt à la Tchécoslovaquie par le traité de Saint-Germain-en-Laye, étaient annexés par le Reich, avec le funeste consentement de Daladier et de Chamberlain, convoqués pour la circonstance à Munich.
Lundi soir 21 février 2022, Poutine,après trois mois de bras de fer avec les Occidentaux,décidait d’en finir avec « les lois discriminatoires à l’encontre des russophones d’Ukaine « , un pays dont il nie toute légitimité en dehors de la mère Russie.
Les enclaves séparatistes du Donbass contrôlées par le Kremlin depuis la première guerre de 2014 ,sont désormais officiellement reconnues comme « Républiques Populaires « indépendantes ,et le soir même l’armée Russe y a fait officiellement son entrée, pour une mission dite de « maintien de la paix». En cas de réaction des autorités de Kiev, considérées elles aussi comme illégitimes,le prétexte sera tout trouvé pour une invasion de la totalité de l’Ukraine, une invasion méthodiquement préparée depuis des mois par le déploiement de 150 000 soldats russes encerclant le pays.
Exit l’intégrité territoriale d’un État souverain , exit les accords de Minsk qui prévoyaient,avec la garantie de la France et de l’Allemagne,un règlement pacifique du statut du Donbass : place à la guerre.
Ironie de l’Histoire, à la veille même du coup de force de Poutine, le gratin de l’OTAN, vice- présidente des États Unis en tête,s’étaient réunis à Munich pour y proclamer solennellement leur unité face à une Russie revancharde et autocratique, accusée de menacer la jeune démocratie ukrainienne .
L’Ukraine, y avait on affirmé ,conservait pleinement son droit de rejoindre l’OTAN. Mais, par une étrange gesticulation ,les Américains, tout en hystérisant l’imminence de la guerre, proclamaient à l’avance qu’il n’y prendraient aucune part - sauf par d’éventuelles sanctions économiques…Malgré la plaidoirie passionnée du président ukrainien Zelinsky ,également présent à Munich,et salué d’une ovation debout, la vérité crue était que son pays était en fait prié par l’auguste assistance de se battre seul, c’est-à-dire de se préparer à périr pour un principe, celui de la « porte ouverte » .
Un principe pourtant notoirement impraticable, chacun ayant conscience du risque de guerre depuis fort longtemps. Dès 2008 à Bucarest, Sarkozy et Merkel s’étaient opposés, pour cette raison ,à l’accession de l’Ukraine et de la Georgie à l’OTAN, que poussait à l’époque Obama. Mais le principe lui , était resté.
Et Poutine, profitant de la faiblesse des États-Unis après le retrait calamiteux de Kaboul et des divisions internes de l’administration Biden ,décida en décembre dernier, d’en finir une bonne fois avec l’élargissement de l’OTAN à ses frontières,exigeant que les intérêts de sécurité de la Russie soient enfin entendus par les occidentaux.
Pendant toutes ces dernières semaines, une porte de sortie diplomatique était pourtant possible : coupler un moratoire sur les futurs élargissements de l’OTAN à des négociations sur les armements conventionnels et nucléaires en Europe. Les ukrainiens ,conscients du danger hésitèrent . Mais Biden et son Congrès pour une fois unis contre la Russie ,ne voulurent pas en entendre parler.
Au final « Munich II « aura donc produit la pire des issues possibles: Bien entendu,tout élargissement ultérieur de l’OTAN est mort et enterré . D’ores et déjà ,la Russie a déjà empoché la Biélorussie, forcée d’« accueillir « 30 000 soldats russes sur son sol . Elle attend désormais le moindre prétexte venu de Kiev, pour s’emparer de la totalité de l’Ukraine.
En 2014, lors de la phase précédente de cette guerre de 8 ans, Obama avait réagi à l’annexion de la Crimée avec mépris, qualifiant la Russie de simple « puissance régionale ». Poutine n’a jamais digéré l’insulte.
Faute d’avoir voulu apprendre les leçons de l’Histoire : qu’on ne construit pas la paix en humiliant, ni en s’installant militairement sur les frontières du voisin, alors même que l’ on refuse par avance toute confrontation,les Occidentaux, et d’abord les Américains,auront au final permis à Poutine de commencer à réaliser son rêve le plus cher : rebatir l’Empire.