Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
22 Octobre 2025
La guerre en Ukraine a changé de nature : moins militaire que politique, elle se joue désormais hors du champ de bataille, sur le plan géopolitique et stratégique, entre la Russie, les États-Unis et les Européens.
En février prochain, la guerre d’Ukraine entrera dans sa cinquième année ! À mesure qu’elle dure, la guerre change de nature et menace de dégénérer à l’échelle du continent tout entier.
Elle ne se joue plus vraiment sur la ligne de front, essentiellement paralysée par la guerre des drones, ni même à l’usure, alors que des deux côtés, on est passé à des frappes à longue distance contre les infrastructures critiques (Ukraine) ou contre les populations civiles (Russie). Son issue se joue ailleurs : sur le champ politique entre Russes, Américains et Européens.
C’est ici que l’irruption de Donald Trump au début de l’année a profondément changé la donne. Au départ, Trump était convaincu de régler rapidement cette affaire par un « deal » avec son collègue russe, en s’asseyant littéralement sur Zelinsky (dès février), et en offrant à Poutine ce qu’il souhaitait, à savoir les territoires de Crimée et du Donbass, et en prime un statut de neutralité pour l’Ukraine, hors OTAN. En échange, Trump espérait un cessez-le-feu, puis un accord de paix.
Las, à Anchorage, le 15 août, Trump n’obtint ni l’un, ni l’autre. Depuis, Trump, tout en multipliant les déclarations contradictoires, a en fait renoncé à son rôle de faiseur de paix dans ce conflit, préférant se concentrer sur Gaza et le Proche-Orient. Quant à l’Ukraine, Trump s’en lave les mains et « souhaite bonne chance aux deux parties ». Sa position est simple : l’aide financière et surtout militaire des États-Unis est purement et simplement stoppée. Trump veut bien continuer à fournir des armes, mais à condition que celles-ci soient préalablement achetées et payées par les Européens, avant d’être livrées par eux aux Ukrainiens.
De même, Trump n’exclut pas de nouvelles sanctions contre la Russie, allant même jusqu’à des droits de douane de 100 % contre les principaux acheteurs d’hydrocarbures russes, à savoir la Chine et l’Inde, mais là encore à la double condition que les Européens cessent eux-mêmes d’acheter du gaz russe et surtout qu’ils sanctionnent pareillement la Chine et l’Inde. Deux conditions dont Trump sait fort bien qu’elles ne seront jamais réalisées. Concrètement — et les Ukrainiens, comme les Russes l’ont parfaitement compris — : Trump est sorti du jeu.
Restent alors les Européens. C’est sur eux que les belligérants exercent désormais l’essentiel des pressions. Kiev veut entamer au plus vite les négociations d’adhésion à l’UE, et surtout attend de Bruxelles les financements nécessaires pour continuer la guerre, à minima 60 milliards pour 2026 et autant pour l’année suivante. Or cet argent n’existe pas, la plupart des États étant, comme la France ou l’Italie, fortement endettés, tandis que l’Allemagne préfère se concentrer sur son propre réarmement.
Il existe bien une solution, ou plutôt une tentation : saisir des avoirs russes bloqués en Belgique (chez Euroclear), soit près de 200 milliards d’euros, et financer ainsi les besoins de l’Ukraine pour les deux ou trois prochaines années. L’ennui, même en rebaptisant cet argent en « fonds de réparations de guerre », comme on l’envisage à la Commission, c’est de ruiner toute confiance dans le droit financier international, de risquer des poursuites russes (ce que redoutent les Belges), et surtout de compromettre un peu plus les chances des pays très endettés comme la France de trouver des prêteurs étrangers…
L’autre pression est sécuritaire. Les Russes, grâce à Trump, ont obtenu une cassure totale entre Européens et Américains ; il leur reste à casser le front européen, déjà fragilisé par la Hongrie et la Slovaquie, afin d’isoler définitivement l’Ukraine de l’après-guerre, ce qui est le but de guerre fondamental de Poutine. Pour cela, les Russes multiplient les attaques hybrides sans jamais les revendiquer, bien entendu : incendies de dépôts d’armes, tentative d’assassinat contre le patron de Rheinmetall, survols de drones, voire d’avions de chasse au-dessus des États baltes, du Danemark, de la Pologne et même de l’Allemagne. Avec un double résultat déjà acquis : d’une part, la démonstration que l’Europe n’a pas de défense aérienne digne de ce nom ; d’autre part, que les Européens sont divisés sur la conduite à suivre.
Faut-il traiter ces différents événements comme un aveu d’impuissance de la Russie, qui montre en fait qu’elle craint de passer à un affrontement direct ? En somme, la dissuasion de l’OTAN et de l’Europe fonctionne.
Ou tout au contraire comme le début d’une nouvelle « drôle de guerre » annonciatrice d’un conflit généralisé en Europe, que certains services prévoient pour 2030 ?… Dans le premier cas, on se prépare, mais l’on se garde d’escalader le conflit. Dans l’autre, on tire pour se faire respecter, au risque de voir la situation déraper hors de tout contrôle…
Une situation qui survient en tous cas au pire moment pour le navire France, privé de capitaine et de combustible…
Pierre Lellouche — 8/10/
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Les Chantiers de la Liberté - Pierre Lellouche
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