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Gaza : du Hamas au rêve singapourien ?

Gaza : du Hamas au rêve singapourien ?

Effarés ou carrément scandalisés, nombreux étaient ceux qui, en février dernier, avaient accueilli avec un mépris mêlé de moquerie l’ambition de Donald Trump de faire de Gaza une nouvelle « Riviera » sur la Méditerranée. Trump envisageait alors d’évacuer la population gazaouie vers d’autres pays arabes, dont l’Égypte et la Jordanie, pour y « trouver une zone magnifique pour y installer les gens de façon permanente dans de belles maisons, où ils peuvent être heureux, sans se faire tirer dessus, sans se faire tuer, sans se faire poignarder à mort comme ce qu’il se passe à Gaza ».

Et Trump d’ajouter : « Tous ceux à qui j’ai parlé adorent l’idée de voir les États-Unis posséder ce morceau de territoire, de le développer et de créer des milliers d’emplois avec quelque chose qui sera magnifique. »

Neuf mois plus tard, le plan de paix de Trump pour Gaza, qui vient d’être annoncé à l’occasion d’une nouvelle visite de Netanyahou à la Maison-Blanche, ne fait plus ricaner personne. Au contraire : comme un seul homme, les dirigeants musulmans d’Égypte, de Jordanie, du Qatar, de Turquie, du Pakistan, de l’Indonésie, et bien sûr, l’Autorité palestinienne, sans oublier le pape Léon XIV lui-même et même Emmanuel Macron, tous saluent le plan de Trump, tous s’engagent à le soutenir, et tous exhortent le Hamas à l’accepter immédiatement, comme l’a fait le Premier ministre israélien.

Il est vrai que le modèle « Riviera » a été quelque peu remanié par ses trois auteurs : le gendre de Trump, Jared Kushner, le père des Accords d’Abraham, Steve Witkoff, son ami et conseiller, et l’insubmersible ancien Premier ministre britannique Tony Blair.

Il n’est plus question pour les États-Unis de revendiquer la « possession » de Gaza, ni d’en expulser la population : bien au contraire, le point 12 du plan de paix précise que « personne ne sera forcé de quitter Gaza, et ceux qui souhaitent partir seront libres de le faire et de revenir. Nous encourageons les gens à rester et leur offrirons l’occasion de construire un Gaza meilleur ».

Sur le fond cependant, l’idée maîtresse reste la même : après avoir éliminé et démilitarisé le Hamas (dont les derniers combattants pourront soit partir, soit bénéficier d’une amnistie), il s’agira, sous l’autorité d’un « Comité palestinien apolitique » composé de technocrates, lui-même chapeauté par un « Conseil de la paix » présidé par Trump et incluant Blair, de reconstruire l’enclave en une zone franche prospère, grâce aux financements du Golfe. Le tout étant sécurisé par une « Force internationale de stabilisation ».

À la fois ambitieuse et novatrice, l’initiative américaine représente la première ébauche d’une vraie solution à la question palestinienne depuis le processus d’Oslo, brutalement stoppé par l’assassinat de Rabin et les attentats du Hamas… il y a trente ans.

Elle n’en recèle pas moins de nombreux obstacles. Du côté israélien, si les otages doivent être libérés en échange de l’élargissement de 2 000 terroristes palestiniens, et si le Hamas démilitarisé est exclu de la gouvernance de Gaza, nombre de questions se posent : quand et comment obtenir le retrait total des forces israéliennes ? Quid de la Cisjordanie, qui n’est pas mentionnée ? Et quid surtout du futur État palestinien, évoqué indirectement dans le plan Trump, mais dont Netanyahou, et plus encore ses ministres zélotes, ne veulent pas entendre parler ?

Mêmes incertitudes, en miroir, du côté palestinien : quand et comment réformer en profondeur l’Autorité palestinienne ? Comment obtenir le soutien des Palestiniens à un accord de paix préparé sans eux ? Et surtout, comment obtenir la capitulation du Hamas ?

Le chemin s’annonce donc difficile et semé d’embûches. Il suppose que chacun y contribue, or l’Iran, la Chine et la Russie se tiennent à l’écart. Il suppose aussi que des leaders visionnaires émergent, et qu’ils s’approprient le processus.

Pour devenir le Singapour du Proche-Orient, il manque aux Palestiniens un Lee Kuan Yew. L’homme qui, après le difficile divorce de la Malaisie musulmane en 1965, avait su faire de Singapour, un patchwork ethnico-religieux de Chinois, d’Indiens, de Malais et d’Européens, une nation soudée dans la réussite économique et la démocratie… cela sur un territoire de 714 km², le double de Gaza…

Pierre Lellouche – 1er octobre 2025

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M
Je me permets, en toute modestie, de me citer :<br /> « Les habitants de Gaza ont élu le Hamas en 2006 à la suite du retrait israélien. Le Hamas est aux commandes depuis. Le Hamas veut la destruction totale de l’État d’Israël, plus que jamais. Beaucoup de Palestiniens voudraient que tous les Juifs soient jetés dans la mer. Ils veulent la Palestine from the river to the sea, du Jourdain à la mer, la Palestine uniquement pour les Palestiniens, la Palestine où l’État d’Israël n’existe pas. Deux tiers des Palestiniens approuvent l’attaque terroriste du Hamas, sondage après sondage. Comment se fait-il que la majorité des Palestiniens dans la bande de Gaza n’aient jamais aspiré à refaire leur vie de façon constructive et apaisée ? Pourquoi y découvre-t-on plus de sept cents kilomètres de tunnels souterrains ? Le métro parisien souterrain fait deux cent vingt-cinq kilomètres. Il faut y rajouter les métros de Berlin et de Londres pour arriver à un kilométrage à peu près égal à celui des tunnels à Gaza...Depuis des décennies, on y voit des pierres jetées, des pneus brûlés, des visages remplis de haine et une pauvreté inexpliquée au vu des aides financières massives qui y sont déboursées chaque année. Pourquoi cette haine viscérale persistante envers les Juifs existe-t-elle ? Y-a-t-il une explication sociologique à cela ? Pourquoi les Palestiniens n’ont-ils jamais aspiré à vivre en paix avec leurs voisins israéliens ? Pourquoi n’ont-ils jamais aspiré à refaire leur vie normalement ? La bande de Gaza pourrait être un endroit merveilleux. Peu de territoires ont la chance de donner sur la mer Méditerranée, si convoitée. Sur environ quarante kilomètres, la bande de Gaza longe la Méditerranée. Sur une largeur de six à douze kilomètres. La principauté de Monaco, ce micro-État, le deuxième plus petit au monde après le Vatican, donne aussi sur la Méditerranée. Monaco, c’est une bande de terre de quatre mille cent mètres de long ! Sa largeur varie entre trois cent cinquante et environ mille mètres ! Ce n’est qu’un petit rocher. Et pourtant, c’est un État richissime. On évoque la densité de population dans la bande de Gaza qui pourrait empêcher son développement. Monaco est quatre fois plus densément peuplée. Les gens y sont réellement entassés. Il y a seulement environ trente-six mille habitants, mais sur seulement deux cent deux hectares. Les Gazaouis sont évidemment beaucoup plus nombreux, mais ils ont beaucoup plus de place aussi. La bande de Gaza a approximativement le même nombre d’habitants que Paris. On nous dit que c’est une bande très urbaine. Peut-être. Mais à Paris, la densité de la population est, encore une fois, beaucoup plus élevée que dans la bande de Gaza. À Paris habitent plus de vingt mille personnes au kilomètre carré. À Gaza, il n’y a même pas six mille personnes au kilomètre carré. Pourquoi, dans la bande de Gaza, n’y-a-t-il pas de nombreux hôtels, des restaurants et des bars divers et variés, des cafés, des parcs publics, des jardins publics et privés, des orangeraies, des palmeraies et des oliveraies, des casinos, des théâtres, des musées ? Pourquoi la bande de Gaza ne s’est-elle pas transformée en un haut lieu touristique où il ferait bon vivre ? Pourquoi, dans la bande de Gaza, n’a-t-on pas pris exemple sur Ko Phuket, par exemple, cette île thaïlandaise qui a reçu quatorze millions de touristes en 2019? Sur Ko Phuket, il y a plus de mille huit cents hôtels. Cette île, qui n’est reliée à la Thaïlande que par un pont, a su se développer, peut-être même un peu trop. Ko Phuket est longue de cinquante kilomètres et large de vingt kilomètres environ. Pas beaucoup plus grande que la bande de Gaza. En plus, 70 % de l’île sont couverts de forêts. À Gaza, il y avait la place et la possibilité de faire quelque chose de magnifique. L’emplacement s’y prêtait comme peu d’endroits dans le monde. Les Gazaouis en avaient les moyens. Depuis des décennies, on a donné des millions et des millions et encore des millions à Gaza.<br /> Et ils ont creusé des tunnels… »<br /> Extrait. « Plaidoyer pour la paix et le bon sens » publié le 1 octobre 2024.<br /> <br /> Maintenant, il faut espérer que le plan Trump aboutisse, que les otages restants soient enfin libérés, et que nous nous dirigions vers la paix au Moyen Orient et ailleurs (notamment en Ukraine) malgré toutes les adversités qui existent et en dépit de tous ceux qui voudraient saboter les efforts destinés à rétablir la paix dans le monde. Il faut espérer, dans ce contexte-là, que l’année prochaine, il n’y ait plus personne et aucune raison de s’opposer à ce que le prix Nobel de la Paix soit décerné à Donald Trump…<br /> <br /> Marion Winter, le 11/10/2025<br /> P.S. <br /> Oui, Monsieur le Ministre, Singapour est un exemple très pertinent. <br /> Ce sont les idéologies totalitaires (communisme, national-socialisme, islamisme et tout autre fanatisme) qui mettent à mal ce genre de vivre-ensemble (d’où la nécessité –entre autres- de démilitariser et d’écarter le Hamas de tout pouvoir politique)…Les dictatures et les méthodes dictatoriales et totalitaires visent à éliminer la tolérance, et à réveiller les bas instincts pour effacer des valeurs telles que la liberté (dans toutes ses facettes), l’égalité et la fraternité. La peur, la suspicion et les clivages créés deviennent des outils pour mieux soumettre un peuple méprisé…
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