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Douze jours de guerre, et après ?

Douze jours de guerre, et après ?

La guerre des Six Jours, du 5 au 10 juin 1967, avait marqué le premier vrai triomphe militaire israélien sur les armées arabes (Égypte, Syrie, Irak, Jordanie), coalisées contre l’État juif. Cinquante-huit ans plus tard, aucun État arabe n’a participé à la guerre des Douze Jours entre Israël et l’Iran, et ce malgré la poursuite de l’opération militaire extrêmement brutale menée par Tsahal à Gaza depuis le pogrome de masse d’octobre 2023.

L’apogée de cette guerre, comme sa conclusion, ont été imposées par un seul homme : Donald Trump. Pour la première fois, les États-Unis ont participé directement à une guerre menée par Israël. Et pour la première fois, ils ont obtenu à eux seuls un cessez-le-feu après douze jours de bombardements et de frappes de missiles.

Cette guerre, qui se conclut sans capitulation ni éradication complète du programme nucléaire iranien, a fait cependant apparaître deux grands vainqueurs : Netanyahou et Trump, et deux grands perdants : l’Iran et les Européens.

Du côté des vainqueurs, le Premier ministre israélien a su se racheter des terribles fautes stratégiques qu’il avait lui-même commises à Gaza, en laissant le Hamas préparer puis détruire la très coûteuse barrière électronique censée protéger les villages israéliens voisins. Depuis, un à un, les « proxy » iraniens ont été détruits ou mortellement frappés : Hamas, Hezbollah, Syrie, Houthis, avant de passer à la destruction méthodique des capacités militaires et nucléaires de l’Iran. Jamais Israël n’aura semblé aussi puissant militairement dans la région, au point que certains parlent de position « hégémonique ». Une appréciation très exagérée selon moi, si l’on veut bien prendre en compte les réalités démographiques de la région, et surtout l’impasse politique en Israël, qui lui interdit de préparer une solution politique à long terme en vue de sa cohabitation pourtant inévitable avec un éventuel État palestinien.

Les succès tactiques ne font pas une stratégie…

Trump est l’autre grand vainqueur. À eux seuls, les Israéliens ne pouvaient pas détruire les installations profondément enterrées de Fordo : la guerre était donc condamnée à s’enliser dans une impasse interminable, pouvant à tout moment dégénérer. Avec ses bombardiers B2 à 2,2 milliards de dollars l’unité et ses super-bombes anti-bunker de 14 tonnes, Trump a fait le « job », sans demander la permission au Congrès, et encore moins à l’ONU ; sans prévenir et encore moins consulter ses alliés, sauf l’Israélien et peut-être le Britannique… Au moment où les B2 s’apprêtaient à décoller de leur base du Missouri en direction de l’Iran, qu’ils atteindraient 18 heures plus tard, le président de la République française et son épouse célébraient à l’Élysée la Fête de la musique et la « Paris Music Week » (sic). Quelques jours auparavant, au sommet du G7 à Kananaskis (Canada), Macron avait cru pouvoir annoncer que le départ précipité de Trump n’avait d’autre but que d’accélérer la négociation avec l’Iran, ce qui lui avait valu des propos peu amènes de l’intéressé, sur le mode « Macron dit toujours n’importe quoi »…

En parvenant à imposer un cessez-le-feu aux deux belligérants dès le lendemain de sa frappe, Trump conforte son image de shérif global, irascible, imprévisible, mais terriblement efficace. Il arrive en vainqueur au sommet de l’OTAN, opportunément réuni à La Haye le mardi suivant, précédé d’un message d’une rare flagornerie du secrétaire général de l’OTAN, le Hollandais Mark Rutte : « Félicitations et merci pour votre action décisive en Iran. C’était vraiment extraordinaire et quelque chose que personne d’autre n’avait osé faire… Vous vous envolez vers un nouveau grand succès. » Un message immédiatement retweeté par son bénéficiaire.

Ce message en dit long sur le camp des perdants. L’Europe, d’abord, qui vit dans la terreur d’un retrait américain, qui ne sait comment se sortir de la guerre d’Ukraine sans l’aide de Washington, qui, pour faire plaisir à Trump, annonce des budgets de défense à 5 % du PIB, totalement inatteignables, sauf peut-être en Pologne ou en Allemagne. Ou qui critique, comme en France… la « guerre préventive américaine » et la « violation du droit international »… ironiquement dans les mêmes termes que le Kremlin. Aurait-on oublié que les drones iraniens frappent l’Ukraine depuis trois ans et demi ? Oublié aussi que l’Iran a lui-même violé l’accord JCPOA de 2015 et le Traité de non-prolifération, en accumulant clandestinement plusieurs centaines de kilos d’uranium quasi militaire ? Seul, le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, a eu le courage et l’honnêteté de dire que les Américains avaient fait « le sale boulot » pour les autres, c’est-à-dire pour nous, les Européens également menacés par la perspective d’un Iran islamique nucléarisé.

Reste l’Iran, justement. L’autre perdant : militairement très affaibli par les frappes israéliennes et la perte de son glacis chiite. Mais l’essentiel, pour les mollahs, est ailleurs : conserver le pouvoir, et sans doute même l’option de reprendre un jour ou l’autre leur programme nucléaire. D’ici là, Téhéran négociera pour lever les sanctions et, comme toujours, gagner du temps…

 

Pierre Lellouche
25 juin 2025

 

 

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M
Je réagis au commentaire de Doc7438 :<br /> <br /> Cette guerre a duré 12 jours. Et, non, pour l’instant, nous ne savons pas ce qui a été véritablement détruit, mais nous savons, que les dégâts sont importants, que le danger n’est plus imminent. Le feu est circonscrit…peut-être même éteint. Jusqu’à une prochaine fois.<br /> Et oui, le régime mettra tous ses efforts dans un autre programme nucléaire. Et si ces efforts donnent des résultats, il faudra agir à nouveau…<br /> Nous n’avons peut-être pas gagné la guerre, mais nous avons gagné une bataille, importante.<br /> Il convient de remercier chaleureusement Benjamin Netanyahou et Donald Trump, parce qu’ils ont fait « le sale boulot pour l’ensemble de l’Occident » donc pour nous, et à notre place…comme l’a dit le chancelier allemand.<br /> Ici nous n’osons pas agir. Même Merz récolte des félicitations parce qu’il a osé parler, parce qu’il a osé commenter une action militaire israélienne. En plus, il a parlé juste. Tellement cela sort de l’ordinaire, que la surprise a été générale. On en est là…<br /> Donc félicitons le courage et la détermination des Israéliens et des Américains.<br /> Ceux qui critiquent l’action israélo-américaine, devraient nous expliquer quelle était l’alternative…<br /> Attendre qu’une frappe nucléaire iranienne survienne ?<br /> Etait-ce cela leur plan ?<br /> Et oui, le régime de Téhéran n’est pas tombé.<br /> Et Rome ne s’est pas construit en un jour…<br /> Quand Fidel Castro est mort, les gens ont dansé dans la rue, mais le régime n’est pas tombé.<br /> Les mollahs sont solidement installés et pour changer de régime, quand il s’agit d’un régime totalitaire, un soulèvement populaire ne suffit pas, malheureusement.<br /> Quand les Hongrois voulaient changer de régime en 1956, leur soulèvement a été réprimé dans le sang. Les Soviétiques ont mis fin à tout cela avec des chars et des bombes.<br /> En 1968, ce sont encore une fois des chars soviétiques qui ont mis fin au Printemps de Prague et le changement de régime n’a pas eu lieu au grand désespoir de la population.<br /> Pour intervenir de l’extérieur, il faut des relais fiables et solides à l’intérieur…<br /> Sinon on peut aller vers le chaos comme en Iraq, en Syrie, en Libye, en Afghanistan.<br /> Tout espoir n’est pas perdu pour autant. Le régime de Téhéran, même si solidement installé, est quand même affaibli, le ciel iranien grand ouvert. Maintenant, il faut laisser le temps au temps, et tout porte à croire que les Persans sauront se soulever quand il le faudra….<br /> <br /> Marion Winter le 14/07/2025
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J
Parmi les "perdants" il y a un super-perdant : notre Pays au travers d'un président inepte et inapte. Nous nous sentons ridiculisés à chacun de ses pas, à chacun de ses mots. On peut ne pas porter Trump dans son coeur, mais il a parfois cruellement raison : "...Macron ne comprend jamais rien..." ! Même en smoking et en robe de soirée le couple infernal nous fait honte....sans oublier "le pohnon de dingue" qu'il nous coûte. Encore 2 ans ! Notre patience va être mise à rude éreuve....quant à nosa finances, Monsieur....
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D
Qu'est ce qui aété véritablement détruit en Iran ? Les structures? L'organigramme des scientifiques acteurs du programme?? Le régime de Téhéran est toujours là avec son pouvoir de nuisance (terrorisme, réseaux d'influence et de renseignement, gardiens de la Révolution) et sa dangerosité, même supposément affaibli.
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