Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
12 Mars 2025
Monsieur le Président,
Je vous écris une lettre,
Que vous lirez peut-être,
Si vous avez le temps…
Rassurez-vous, Monsieur le Président, je ne suis ni pacifiste ni déserteur.
Je suis simplement un citoyen, soucieux de la défense de nos intérêts nationaux, mais aussi de plus en plus inquiet de l’évolution des événements autour de la guerre en Ukraine. Une inquiétude, je vous l’avoue, en partie alimentée par vos déclarations.
La plus récente, télévisée le mercredi 5 mars, a rassemblé 14 millions de nos concitoyens. Vous avez réalisé une part d’audience remarquable de 70 % pour annoncer quoi ? Qu’au-delà de l’Ukraine, « la menace russe nous touche », que « son agressivité ne semble pas connaître de frontières », que la Russie constitue – et vous l’avez répété – « une menace pour la France et pour l’Europe » et que, dans ces conditions, « rester spectateurs serait une folie ».
Alors que Trump renoue avec la Russie, vous la désignez comme notre adversaire, voire comme notre ennemie, adoptant le leitmotiv de Zelensky : « après l’Ukraine, Poutine prendra l’Europe ». Un postulat hautement discutable, au regard des piètres performances de l’armée russe après trois années de guerre contre un adversaire cinq fois moins nombreux et bien plus pauvre.
Alors que les États-Unis cherchent un cessez-le-feu rapide, allant jusqu'à suspendre leur aide militaire à Kiev, vous annoncez vouloir poursuivre le combat, ou plus précisément laisser les Ukrainiens poursuivre un combat désormais perdu, car l’Ukraine ne peut militairement reconquérir le Donbass et la Crimée. Pour ce faire, vous souhaitez, avec la majorité de vos collègues européens, remplacer l’aide américaine déjà stoppée. Jusqu’où et avec quels objectifs ? Avec quels moyens ? Mystère…
Vos décisions semblent fermes et votre résolution totale. Pourtant, pour rassurer nos concitoyens inquiets, il est utile de rappeler votre goût prononcé pour les changements de cap répétitifs. Depuis 2017, vous avez adopté des positions que certains qualifieraient de contradictoires en politique internationale :
Enfin, vous avez agité le parapluie nucléaire français pour le proposer à nos partenaires européens, dans une stratégie incertaine où l’absence de moyens financiers et militaires interroge.
Malgré vos précautions oratoires, j’ai constaté ces derniers jours, à Paris comme en province, une vague d’anxiété profonde suscitée par vos annonces. Vous avez déclaré : « Vous êtes légitimement inquiets ». Peut-être nos concitoyens ne l’étaient-ils pas avant votre allocution ; ils le sont à coup sûr depuis.
Sur le fond, la question se pose : quelle stratégie suivre face à la guerre en Ukraine et à l'architecture de sécurité européenne ?
Si, comme vous l'affirmez, la Russie réactive son impérialisme, nous devons nous y préparer. Mais il est probable que Russes et Américains parviennent à un « deal », auquel l'Ukraine sera contrainte de se plier. La levée des sanctions redonnera à la Russie une place dans l'échiquier économique international, tandis que nous, européens, nous retrouverons isolés, sans issue diplomatique.
En conclusion, cette guerre est déjà une catastrophe pour la France et pour l'Europe. Elle pourrait encore empirer si de nouvelles erreurs de calcul étaient commises. Dans ces conditions, vous comprendrez, Monsieur le Président, que je ne sois pas rassuré par vos orientations.
Pierre Lellouche
10 mars 2025