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Trois ans de guerre en Ukraine : tout ça pour ça ?

Trois ans de guerre en Ukraine : tout ça pour ça ?

Sans être entendu, je n’ai cessé de répéter depuis avant même qu’elle n’éclate que la guerre d’Ukraine aurait pu être évitée. Qu’elle aurait pu, même, être stoppée dès avril 2022. Qu’au lieu de préparer la « grande offensive » ratée de juin 2023, l’Ukraine et ses alliés auraient dû négocier, avant de se trouver dans une situation bien pire à l’arrivée, comme l’avait prévu, lui aussi, le chef d’état-major des armées américaines, le général Mark Milley, fin 2022.

L’arrivée, nous y sommes, ou presque.

Revenu à la Maison-Blanche, Trump est déterminé à mettre fin à cette guerre qu’il juge « ridicule ». Les tractations bilatérales ont déjà commencé avec les Russes, sans les Ukrainiens et sans les Européens. Avec l’interruption des livraisons d’armes américaines, la guerre, selon les anciens patrons du Pentagone sous Biden, ne pourra pas, de toutes façons, durer au-delà de cette année 2025. Zelensky lui-même en convient.

Pour quel résultat ?

La raison fondamentale de cette guerre, il faut le rappeler, remonte à l’indépendance de ce pays en 1991. Avec cette question centrale, restée sans réponse : quel statut pour ce pays entre l’Est et l’Ouest ? Neutralité, n’ont cessé d’insister les Russes de Gorbatchev à Poutine, ou entrée dans l’OTAN comme en rêvent les Ukrainiens depuis leur premier Maïdan de 2003, ou encore « pont » entre les deux ? Américains et Européens, eux, n’ont jamais su ou voulu trancher.

La sombre ironie de cette guerre est qu’elle aura tué ou blessé un million de soldats des deux côtés (!) et ravagé tout un pays pour rien !

Ni Obama, ni Biden, et encore moins Trump ne voulaient, ni ne veulent de l’Ukraine dans l’OTAN, cela malgré les proclamations diverses sur « le droit des Ukrainiens de choisir souverainement leurs alliances ». Tout simplement parce que les Américains, comme l’ont dit Biden et Trump, n’ont aucune appétence pour une troisième guerre mondiale avec les Russes. Résultat, la question des fameuses « garanties de sécurité » pour l’Ukraine reste toujours sans réponse aujourd’hui…

L’autre ironie lugubre de cette affaire est qu’au moment même où ils souhaitent abandonner les Européens à leur sort, les États-Unis sortent grands vainqueurs de cette opération. Ils ont gagné des dizaines de milliards de dollars en vendant leurs armes et leur gaz naturel à l’Europe, élargi l’OTAN à la totalité de la Scandinavie et de la Baltique, et bien sûr « saigné l’armée russe sans perdre un seul soldat, en laissant la note du boucher aux Ukrainiens », comme le dit cyniquement l’éditorialiste vedette du Washington Post, David Ignatius. Mieux, ils exigent désormais d’être « remboursés » en terres rares ukrainiennes !

Les Ukrainiens, eux, paient le prix le plus rude.

Leur population, qui était de 52 millions en 1991, au moment de l’indépendance, a littéralement fondu à 28-30 millions aujourd’hui, entre réfugiés économiques après l’indépendance, puis réfugiés de guerre après 2014. L’Ukraine a le triste record à présent du taux de mortalité le plus élevé du monde et le taux de natalité le plus faible. Quant à son économie, la plus pauvre d’Europe avant-guerre (juste avant le Kosovo), elle a perdu 120 milliards depuis 2022 et devra trouver 1 000 milliards pour la reconstruction du pays.

La Russie, de son côté, a su contourner les 16 paquets de sanctions occidentales en vendant son gaz et son pétrole à la Chine et à l’Inde. Mais elle n’est plus aujourd’hui que le vassal de la Chine. Son armée a fait piètre figure et ne parvient qu’à grignoter, au prix de très lourdes pertes, une Ukraine qui fait mieux que résister. Pire, la Russie n’a fait qu’élargir l’OTAN, en soudant contre elle une nation ukrainienne révélée dans la guerre. N’est pas Pierre le Grand qui veut…

Restent les Européens. Pour avoir suivi Biden sans but de guerre précis, sous la seule pression de l’émotion et de l’indignation, les voici à présent, face à Trump, comme les grands cocus de l’opération, ayant englouti 150 milliards d’euros dans l’aide à l’Ukraine, perdu le gaz russe bon marché et des dizaines de milliards d’investissements abandonnés en Russie. Tout cela pour se trouver exclus du Yalta Trump-Poutine qui se profile… Quant à l’idée d’envoyer des forces en Ukraine évoquée à Washington par Macron, elle ne pourrait prospérer que si les Américains acceptaient de les protéger, et si les Russes devaient y consentir. On en est loin… Pour les Européens donc, tout reste à faire. À commencer par un vrai réarmement au lieu des habituelles incantations bruxelloises sur une illusoire « défense européenne ».

Question : les dirigeants somnambules qui nous ont amenés à ce désastre sauront-ils nous en tirer ?

 

Pierre Lellouche

Tribune VA, 27/2/25

 

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B
Quel dommage que vous ne soyez pas aux "Affaires Etrangères", Mr le Ministre! Pour autant tous ces "somnambules" affublés d'administrations pléthoriques sont incapables de comprendre et gérer leur diplomatie! A quoi servent l'ENA, HEC, etc...? A quoi servent les dircab et autres Pères Joseph tapis dans l'ombre? Assurément Hanouna, comme Coluche, feraient-ils tout aussi bien : cf Trump ou Zelinski.!
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