6 Novembre 2024
Le suspense électoral américain touche à sa fin, mais pour les Européens, le problème ne fait que commencer. Quel que soit l'occupant de la Maison-Blanche, la question reste la même : comment stopper l’inquiétant décrochage de l’Europe par rapport à l’Amérique ? Comment peser dans les affaires mondiales ? Comment échapper à l’image du XXIᵉ siècle où l'Europe n’est que le champ d’affrontement de la guerre commerciale américano-chinoise ?
Quelques chiffres suffisent à illustrer le fossé désormais béant entre les deux rives de l’Atlantique. En 2008, le PIB américain s'élevait à environ 14 800 milliards de dollars contre 16 200 milliards pour l'Europe, plaçant cette dernière en tête. Cependant, quinze ans plus tard, le PIB de l’Union européenne (y compris le Royaume-Uni) n’a que peu progressé, atteignant 19 800 milliards de dollars, alors que celui des États-Unis a grimpé à 26 900 milliards, soit presque le double. Quant au salaire moyen en 2023, il est de 52 800 $ en Europe contre 77 500 $ aux États-Unis.
L’Europe s’appauvrit et décroche, tandis que l'Amérique, malgré ses déficits (6 %) et une dette colossale (33 000 milliards de dollars, soit 120 % de son PIB, qui pourrait atteindre 200 % d'ici 2032 !), continue de croître trois fois plus vite que l'Europe. Le dollar, le Pentagone et son inépuisable potentiel de recherche et d’innovation font la différence.
Pourtant, en 2000, l’Union européenne, à travers son fameux « Agenda de Lisbonne », s’était donné pour objectif de devenir, à l’horizon 2010, « l’économie de la connaissance la plus dynamique et compétitive du monde ». Un quart de siècle plus tard, le constat est accablant : les GAFAM, tous américains, dominent avec des capitalisations boursières colossales – environ 2 800 milliards de dollars pour Apple, 2 400 milliards pour Microsoft, 750 milliards pour Meta ou Tesla – contre 12 milliards pour Renault. En matière d’intelligence artificielle, l’écart d’investissement est flagrant : 1,7 milliard d’euros en France en 2022 contre 47 milliards aux États-Unis. La chute est aussi impressionnante dans le secteur des semi-conducteurs : en 1990, l’Europe produisait 44 % de ses besoins ; aujourd'hui, cette part est tombée à 9 %. Dans le secteur spatial, où l’Europe brillait, elle est désormais distancée par la fusée réutilisable de SpaceX, qui domine également le marché des satellites en orbite basse, un choix stratégique que l’Europe n’a malheureusement pas suivi.
Face aux mêmes chocs – la crise des subprimes, puis la pandémie –, l'Amérique ressort chaque fois renforcée, tandis que l’Europe reste à la traîne. Ce processus est accentué par des mesures protectionnistes initiées sous Trump et amplifiées sous Biden, notamment avec l'Inflation Reduction Act du 16 août 2022 : un paquet de crédits d’impôt de 370 milliards de dollars sur dix ans pour la transition énergétique, qui attire littéralement les entreprises européennes vers les États-Unis, où l’énergie coûte quatre fois moins cher qu’en Europe.
La ferveur bruxelloise pour un verdissement accéléré de l’économie européenne – l’UE se voulant modèle pour le monde – n’a fait qu’accentuer son effacement. Aujourd’hui, 90 % des composants nécessaires à l'énergie solaire sont produits en Chine, tout comme ceux des éoliennes, et les véhicules électriques chinois, bloqués par les droits de douane américains, commencent à envahir l’Europe. Conséquence : l'emblématique Volkswagen ferme trois usines en Allemagne, entraînant le licenciement de 120 000 ouvriers.
L’Allemagne, et avec elle l’Europe, se trouve assise sur une bombe sociale, mais elle continue de détourner le regard. Rien n'indique que les recettes bruxelloises, mises en échec depuis 15 ans, suffiront à éviter la crise systémique qui s’annonce…
Pierre Lellouche
Tribune – VA – 30/10/24