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Trump et la bombe iranienne : Acte II

Trump et la bombe iranienne : Acte II

Donald Trump n’aime pas les guerres et s’est fait élire en promettant de « les arrêter ». Son vice-président, J.D. Vance, va plus loin, défendant l’idée d’une Amérique qui abandonnerait définitivement son rôle de gendarme du monde pour se concentrer sur ses problèmes intérieurs. Pourtant, à l’approche de son investiture dans trois semaines, l’entourage de Trump évoque avec insistance l’idée d’en finir une bonne fois pour toutes avec le programme nucléaire iranien.

Le contexte, il est vrai, s’y prête.

L’année 2024 aura été celle de l’affaiblissement de l’Iran. La guerre de Gaza du 7 octobre 2023 a entraîné le Hezbollah dans un affrontement direct avec Israël, que la milice chiite a perdu. Décapité, ayant perdu plusieurs milliers de combattants, le Hezbollah a dû se résoudre à un cessez-le-feu peu glorieux au Liban, et à une autre défaite, plus cuisante encore : celle du régime El-Assad en Syrie. À cette double perte s’ajoute l’humiliation des frappes aériennes israéliennes du 26 octobre contre l’Iran lui-même, où le régime des mollahs a vu détruire l’essentiel de sa défense antiaérienne (les batteries de missiles S-300 livrées par Moscou), déployées autour de Téhéran et des principales installations nucléaires, mais également la destruction d’une usine de combustible pour missiles et d’un centre de recherche nucléaire à Parchin… en guise d’avertissement pour la suite.

La suite, c’est ce qu’un ancien responsable du Pentagone, proche de Trump, Eric Edelman, appelle « la diplomatie coercitive ». L’Iran devra démanteler son programme nucléaire : soit en acceptant, sous contrôle international, de se séparer de l’uranium enrichi déjà produit et de démanteler ses milliers de centrifugeuses, soit ces matières et ces installations seront détruites par la force.

Car le temps s’accélère. L’affaiblissement de l’Iran a convaincu le régime de Téhéran d’accélérer la course vers la bombe, la seule dissuasion qui lui reste. Ce que constate Rafael Grossi, le directeur de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), qui dénonce la production accélérée de grandes quantités d’uranium enrichi à 60 %. La qualité militaire (90 %), toute proche, pourrait être atteinte en deux semaines, selon Antony Blinken. Un rapport du renseignement américain soumis au Congrès indique que l’Iran dispose déjà des matières fissiles nécessaires pour 12 têtes nucléaires. Les ogives elles-mêmes pourraient être fabriquées dans les six mois à venir pour des bombes aéroportées et en 12 à 18 mois pour des têtes destinées à des missiles.

En 2016, au début de son premier mandat, Trump avait dénoncé l’accord dit « JCPOA » signé l’année précédente par Obama, mais aussi l’UE, la Russie, la Chine et l’Iran. Cet accord, produit de 13 années de tractations, prévoyait le gel temporaire du programme atomique iranien sous contrôle international et la remise (à la Russie) de 97 % de l’uranium enrichi produit à l’époque, cela en échange de la levée des sanctions, notamment pétrolières. Un « très mauvais accord » selon Trump, qui s’en était retiré en 2018, laissant les Iraniens repartir de plus belle, sans que les Américains (et les Israéliens) ne réagissent, sauf par des cyberattaques insuffisantes.

Acte II donc, sept ans plus tard. Toujours avec Netanyahu, mais cette fois avec un Trump tout-puissant, face à un ayatollah Khamenei en fin de course. Cette fois, la tentation est grande de profiter de l’affaiblissement de l’Iran pour éliminer les trois sites principaux : la recherche à Ispahan, et surtout l’enrichissement à Natanz et Fordow, deux usines très profondément enterrées sous la montagne. Israël seul ne peut pas frapper de tels objectifs sans l’aide des États-Unis et de leur bombe anti-bunker, la MOB, ou Massive Ordnance Penetration, une bombe de 15 tonnes (!) larguée par un bombardier B-2…

Jusqu’ici, les mollahs n’ont jamais voulu céder sur ce qu’ils considèrent — à juste titre d’ailleurs — comme l’assurance-vie de leur régime, une situation identique sur ce point à la Corée du Nord.

Il est donc très improbable de voir aboutir une solution négociée acceptable des deux côtés. La diplomatie pourrait donc n’être, au final, que très coercitive…

Pierre Lellouche, VA, 27/12/24

 

 

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