Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Macron-Scholz : le couple des morts-vivants

 

L’un a choisi la dissolution, l’autre s’y refuse. Mais au vu de leurs résultats aux européennes du 9 juin, Macron et Scholz ne sont plus aujourd’hui que deux morts-vivants en sursis… au pire moment pour l’avenir de l’Europe.

Le premier a voulu en finir avec une Assemblée ingérable, où l’absence de majorité le condamnait à l’immobilisme depuis deux ans. Convaincu que la dissolution lui permettrait de rejouer le duel des présidentielles contre Marine Le Pen, Macron a "fait tapis", comme au poker. Las, c’est la gauche réunie qui occupera cette place de challenger face au RN, tandis que les macronistes seront condamnés à la troisième place, prélude à leur disparition programmée. Néron contemple les flammes de Rome avant d’être probablement contraint à se démettre.

À Berlin, la déroute est plus criante encore. Les trois partis de la coalition : Socialistes, Verts, Libéraux, d’accord sur rien, atteignent à peine 31 % contre 30 % pour la seule CDU/CSU. Le SPD avec 13,9 % réalise son score le plus bas depuis la fondation de la République fédérale en 1949. Pire, l’AfD, malgré des scandales à répétition, est devenue la 2ème force politique du pays avec 15,9 %, et plus de 30 % à l’Est. En Allemagne comme en France, les jeunes affluent en masse vers la droite extrême, désertant Renaissance et le SPD. Mais Scholz, lui, s’en tient au calendrier, s’accrochant au pouvoir jusqu’aux élections de 2025. À moins qu’une nouvelle déroute aux élections prévues dans les Länder de l’Est en septembre ne précipite son renvoi et son remplacement par Boris Pistorius, le ministre de la défense.

On notera que dans les deux cas, les slogans de campagne ressuscitant en France Daladier et 1938, et en Allemagne "Pour la paix, votez SPD", ont fait long feu. L’impéritie des gouvernements en place face à l’immigration, l’inflation et la précarité des plus modestes a fait la différence à Paris comme à Berlin.

La déroute franco-allemande tombe mal en ce mois de juin où doivent être désignés les "top jobs" de l’UE, sur fond de guerres en Ukraine et au Proche-Orient.

À Bruxelles, la très impopulaire et chaotique Ursula von der Leyen risque de profiter de la faiblesse de Macron pour rester à son poste, au grand dam de tous ceux qui lui auraient préféré la stature d’un Mario Draghi.

À Bari, lors du sommet du G7 tenu quatre jours après les européennes, seule Georgia Meloni triomphait. Le "cygne", comme le nota la presse allemande, face aux six autres "canards boiteux" moribonds (Macron, Scholz, Biden et Sunak) ou très impopulaires (Trudeau et Kishida). Drôle d’attelage en tout cas, pour faire face à l’alliance Poutine-Xi…

Zelinsky, invité à Bari juste avant sa "conférence de la paix" en Suisse, a qualifié le moment "d’historique", et fait mine de croire à l’engagement total des Occidentaux. Sauf que Biden ne lui a proposé qu’un accord bilatéral de sécurité sur dix ans, mais sans engagement précis sur l’entrée dans l’OTAN. Tandis que les Européens ont annoncé l’ouverture de négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, alors même que chacun est bien conscient que le processus prendra des années, voire des décennies, compte tenu de l’état de délabrement extrême du pays.

Restait alors le volet financier : 50 milliards de dollars seront prêtés à l’Ukraine, qui seront gagés sur les intérêts produits par les 300 milliards de fonds souverains russes séquestrés en Occident depuis 2022. Et qu’importe si juridiquement, ce fameux prêt est plus que bancal : comme l’a triomphalement annoncé la toujours présidente de la Commission : "cela ne coûtera rien au contribuable européen"…

Poutine, lui, doit savourer ce moment…

 

Pierre Lellouche

Tribune VA, 16/6/24

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