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Ukraine : négociation ou escalade ?

Ukraine : négociation ou escalade ?

Ce qui devait arriver est arrivé. Et la panique s’est emparée des capitales européennes : Trump est de retour, qu’allons-nous devenir ? Que va devenir l’OTAN ? Et surtout qu’allons-nous faire de l’Ukraine si Trump, dans notre dos, conclut un « deal » avec Poutine ?

En avril 2022, les Européens et Américains s’étaient engagés à soutenir l’Ukraine, tous ensemble, « aussi longtemps que nécessaire ». En fait, aussi longtemps que les Américains accepteraient de piloter et surtout de financer cette guerre par procuration non déclarée entre l’OTAN et la Russie… Or l’élection de Trump change radicalement la donne.

À l’aube d’une quatrième année de guerre, plus personne ne croit à la victoire de l’Ukraine, si victoire veut dire l’expulsion de l’armée russe des 20 % du territoire ukrainien qu’elle occupe et que Moscou, au demeurant, a déjà annexés. Moscou intensifie ses bombardements pour faire plier la population ukrainienne et introduit, fait sans précédent, l’armée nord-coréenne sur le champ de bataille.

Alors que faire ?

Kiev a bien tenté de prendre cet été un gage territorial en territoire russe, dans la région de Khoursk, mais la manœuvre, bien qu’audacieuse, n’a guère donné de résultat, sauf affaiblir un peu plus les lignes de défense ukrainiennes.

Restent deux options : soit continuer la guerre en espérant user la Russie avant l’Ukraine et ses alliés, soit arrêter les frais, et signer un cessez-le-feu préalable à des négociations de paix, au risque de consacrer la victoire de Poutine.

Continuer la guerre, c’est la volonté de Zelensky, soutenu semble-t-il par une majorité des Ukrainiens qui ne veulent pas entendre parler de concessions territoriales. Sur la même ligne, la Pologne et les Scandinaves, ainsi que les dirigeants français qui veulent « empêcher la Russie de gagner cette guerre » (Macron), car alors l’Europe et même le monde seraient en danger de « poutinisation » selon les termes du nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Mais comment poursuivre la guerre sans l’Amérique ?

Car Trump veut sortir — et vite ! — du bourbier ukrainien, et laisser l’Ukraine — sa reconstruction comme sa sécurité future — à la charge des seuls Européens. Trump n’aime pas les guerres, il aime le « business » au bénéfice de l’Amérique, et puis il a d’autres priorités à l’international, à commencer par la Chine. Il a même laissé son fils Donald Jr. tweeter à l’intention d’un Zelensky livide : « Tu es à trente-huit jours de perdre ton argent de poche ».

Dans cette histoire qui s’accélère jour après jour, une première surprise vient de surgir de Scholz, jusqu’ici le principal bailleur de fonds de Kiev en Europe. Le chancelier, dont le gouvernement est tombé le jour même de l’élection de Trump, précisément parce que la coalition ne pouvait pas se mettre d’accord sur une nouvelle aide d’urgence à l’Ukraine, fait face à une opinion publique devenue favorable à une paix rapide. À l’approche des élections anticipées prévues dès février, Scholz a donc appelé Poutine pour un premier contact depuis deux ans, une démarche qui signe l’acte de décès d’une hypothétique unité européenne face à Trump. Sans Washington ni Berlin, la poursuite de la guerre est impossible. Zelensky l’a bien compris, qui a réagi au changement de pied allemand comme le signe que la boîte de Pandore venait d’être ouverte… D’autres appels téléphoniques du même genre suivront…

La seconde surprise vient de Biden, que l’on croyait sorti du jeu. À deux mois de son départ de la Maison-Blanche, et quarante-huit heures après le coup de fil de Scholz à Poutine, il a finalement cédé aux demandes répétées de Zelensky. Des missiles sol-sol à longue portée ATCMS américains pourront être utilisés dans la profondeur du territoire russe, sans doute dans la région de Khoursk, où viennent d’être déployés les dix mille soldats nord-coréens arrivés en renfort.

Entre négociation inévitable et escalade, la guerre d’Ukraine atteint sans doute son apex le plus dangereux depuis trois ans…

 

Pierre Lellouche

Tribune VA 14/11/24

 

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