7 Juillet 2024
Le sommet exceptionnel du 75e anniversaire de l’OTAN à Washington du 9 au 11 juillet était censé démontrer au monde entier, notamment à la Russie et à la Chine, la vigueur toujours intacte de l’alliance des démocraties. Mais la panne soudaine de l’hôte et un invité encombrant risquent de gâcher la fête, sinon de la transformer en veillée funèbre.
L’hôte, d’abord.
La terre entière a pu assister jeudi dernier au triste naufrage d’un vieillard grabataire, Joe Biden, lors de son débat sur CNN face à Donald Trump. Soit le vieux chef malade sera contraint de renoncer à se représenter, comme le lui demandent désormais, paniqués, les caciques du Parti démocrate, soit il sera balayé en novembre par son rival républicain, déjà en avance dans les sondages. Or Trump, le cauchemar des chancelleries européennes, ne fait pas mystère de son intention de revoir en profondeur l’alliance atlantique, voire de la quitter, si les Européens ne paient pas, comme il dit, leurs « cotisations », leurs « dues ». Or l’Alliance ne survivrait pas un seul jour au retrait des États-Unis…
L’invité encombrant ensuite : l’Ukraine.
Pour Kiev, l’accession à l’OTAN est fondamentale. Désormais inscrite dans la constitution ukrainienne, l’adhésion à l’Alliance et à la garantie de son fameux article V est le leitmotiv des dirigeants ukrainiens depuis deux décennies : avant et après le déclenchement de la guerre en 2014 puis en 2022. En 2008 à Bucarest, Sarkozy et Merkel, craignant une guerre, avaient bloqué l’entrée de l’Ukraine voulue par W. Bush, mais non son principe. Mais l’an dernier à Vilnius, 18 mois après l’invasion russe, c’est Biden lui-même qui mit son veto, suscitant la colère publique de Zelensky.
Afin d’éviter un nouveau psychodrame embarrassant, l’affaire a cette fois été soigneusement préparée. Reçu la semaine dernière à Bruxelles, Zelensky a obtenu l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE, et même la signature d’un accord de sécurité entre l’UE et l’Ukraine. Deux gestes symboliques à ce stade : l’Ukraine est à des années-lumière des standards européens (y compris en matière d’état de droit et de corruption) ; quant à la sécurité, qui n’entre pas dans les attributions de l’UE (!), on voit mal avec quels moyens l’UE pourrait aider militairement l’Ukraine, alors que de l’aveu même d’Ursula Von der Leyen, elle ne sait pas où trouver les 500 milliards d’euros nécessaires au réarmement des Européens dans les 10 ans qui viennent !
Côté américain, Biden campe toujours sur le « non » à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, cela afin d’éviter une guerre généralisée, mais on inventera pour la circonstance un nouvel instrument : le NSTATU (NATO Security Assistance and Training for Ukraine), basé à Wiesbaden et dirigé par un général américain, qui sera chargé de coordonner l’aide militaire dans la durée à Kiev. Un dispositif otanien donc, que Trump tout seul ne pourrait pas, pense-t-on, supprimer d’un trait de plume…
Pas sûr cependant que ces gestes suffisent à calmer les appréhensions de Zelensky et de ses généraux, surtout si Trump devait être réélu en fin d’année. Trump n’aime pas Zelensky qu’il prend pour un formidable commerçant capable, dit-il, de repartir de Washington avec 60 milliards de dollars. Quant à son équipe, elle vient de publier sous la plume de deux de ses anciens conseillers au Conseil de sécurité nationale, Fred Fleitz et le général Keith Kellogg, le futur plan de paix de Trump pour l’Ukraine : retirer tout soutien à l’Ukraine si elle n’accepte pas un accord de paix sur la base des lignes de front actuelles, et côté russe, menacer Poutine d’armer jusqu’aux dents les Ukrainiens si Moscou n’acceptait pas de venir à la table des négociations…
Anniversaire ou veillée funèbre ?
Pierre Lellouche
Tribune VA, 30/6/24