Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
13 Avril 2025
Trump a de nouveau rendez-vous avec la bombe iranienne.
Il y a tout juste sept ans, le 6 mai 2018, le président Trump, lors d’une brève allocution de 12 minutes à la Maison-Blanche, dénonçait l’accord dit JCPOA sur le nucléaire iranien. Pas moins de treize années de négociations entre Européens, Américains, Russes et Chinois, alors unis face à l’Iran, avaient été nécessaires pour parvenir au compromis diplomatique de 2015.
Du côté des « plus », Téhéran acceptait, en échange de la levée des sanctions sur son pétrole, de placer sous le contrôle des inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique de Vienne), la totalité de ses installations nucléaires, l’empêchant a priori de fabriquer une arme nucléaire sans être détecté, avec la certitude de sanctions majeures de la part de la communauté internationale en cas de violation de ses engagements.
Du côté des « moins », l’Iran conservait le droit d’enrichir de l’uranium (avec une limite de 300 kg pour de l’uranium faiblement enrichi à 3 %), le droit également de poursuivre ses différents programmes de missiles balistiques, le droit enfin d’armer les différentes milices chiites qui, du Liban à la Syrie et à l’Irak, constituaient le fameux « axe de résistance chiite » au service des mollahs et des Gardiens de la Révolution.
Trump jugeait cet accord « horrible » et décida d’imposer à l’Iran des « sanctions maximales », y compris « secondaires », sur tout pays ou entreprise, américaine ou non, travaillant en Iran. Total, mais également l’industrie automobile française, revenues en Iran à la faveur de l’accord de 2015, durent plier bagage du jour au lendemain...
Trump vit aujourd’hui avec les conséquences de sa décision de 2018. Le problème étant que, depuis lors, tout ou presque a changé. Les mollahs ont tiré avantage du retrait américain pour se débarrasser des inspecteurs de l’AIEA et produire d’énormes quantités d’uranium enrichi : plus de huit tonnes d’uranium à 3 %, mais surtout 275 kg d’uranium à 60 %, de qualité quasi militaire, ce malgré les sanctions sur le pétrole que les Iraniens ont appris à contourner avec l’aide de leur meilleur client : la Chine.
Pire, avec la guerre d’Ukraine, l’Iran est devenu un fournisseur de choix de drones et de missiles à la Russie. À présent, le délai vers la fabrication des six premières bombes se compte, selon certains experts, en quelques semaines, et plus aucun consensus n’existe avec la Chine et la Russie pour stopper la nucléarisation de l’Iran…
Dans ce tableau, la principale faiblesse vient de l’Iran lui-même. L’économie iranienne est à l’arrêt. Avec une inflation à plus de 30 % et l’effondrement du rial, le régime ne survit que par la terreur et la répression face à une jeunesse qui s’est massivement rebellée en 2022.
À l’extérieur, après le 7 octobre, Téhéran a payé fort cher son soutien au Hamas. Ses supplétifs du Hezbollah, qui contrôlaient littéralement le Liban, ont été brisés par Israël ; l’allié syrien a disparu avec l’effondrement d’El-Assad, et l’Irak cherche à s’émanciper. Seuls demeurent les Houthis du Yémen.
Dans ce contexte dégradé pour Téhéran, Israël, qui a détruit l’essentiel de la défense antiaérienne iranienne, pousse Trump à en finir une bonne fois avec les installations nucléaires iraniennes.
Mais Trump hésite : il n’aime pas la guerre, et celle-ci est particulièrement complexe, entre le résultat peut-être incertain d’éventuels bombardements et la certitude d’une riposte iranienne dans le Golfe persique, voire d’une offensive terroriste…
Trump a donc commencé, en février, par un « mémorandum exécutif » fixant comme objectif l’arrêt de la totalité des activités nucléaires et balistiques de l’Iran, ainsi que la destruction de ses « réseaux terroristes », tout en souhaitant quelques jours plus tard une « paix nucléaire véritable » qui serait suivie par « une grande célébration dans tout le Moyen-Orient ».
Le mois suivant, Trump écrivait une lettre à l’ayatollah Khamenei proposant le choix entre un règlement diplomatique et un bombardement « tel que personne n’en a vu auparavant ».
Pour faire bonne mesure, Trump bombarde le Yémen et positionne des bombardiers furtifs B-2 dans l’océan Indien, des appareils porteurs de bombes anti-bunker capables de détruire des installations profondément enterrées, comme le sont les sites nucléaires sensibles iraniens…
À ce stade, nul ne sait comment va se solder ce match entre un président impérial et un chef religieux qui hait tout ce que l’Amérique représente et qui a déjà indiqué qu’il ne négocierait pas sous la pression…
Pierre Lellouche
Tribune VA, 2 avril 2025