20 Octobre 2024
1. La surprise stratégique
« Le Moyen-Orient est plus calme aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été depuis deux décennies. »
Cette phrase, prononcée par Jake Sullivan, le Conseiller à la Sécurité nationale du Président Biden, quelques jours à peine avant l’attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, en dit long sur l’aveuglement occidental dans la région. La même remarque s’applique à Netanyahu et aux services de renseignement israéliens, qui pensaient avoir Gaza sous contrôle, pacifiée par les millions de dollars convoyés chaque mois depuis le Qatar, derrière une barrière électronique coûteuse (1 milliard de dollars), supposément infranchissable.
L'armée avait été retirée de la région sud pour être déployée en Cisjordanie, laissant sans protection plus d’un millier de civils, massacrés ou capturés... Tsahal devait découvrir par la suite une véritable forteresse souterraine, constituée de près de 500 km de tunnels, un défi militaire sans précédent, patiemment construit depuis 20 ans.
2. La pieuvre iranienne
Si Téhéran n’a pas directement déclenché l’attaque du Hamas, la dictature théocratique iranienne est bien la tête de la pieuvre qui étouffe Israël de tous côtés : armant et coordonnant le Hamas à Gaza, les Houthis au Yémen, les milices chiites en Irak et en Syrie, et surtout le Hezbollah au Liban, qui dès le 8 octobre a tiré des milliers de missiles sur Israël « en solidarité avec Gaza ».
Au moins 8 800 missiles ont été lancés en un an, conduisant à l'exode de 60 000 civils du nord d’Israël et, inévitablement, à l’extension de la guerre au Liban, mais aussi entre Israël et l’Iran, désormais un État nucléaire. Israël a été directement frappé, à deux reprises, en avril et en octobre, par 500 missiles tirés par un pays « du seuil », l'Iran.
3. Les limites de la riposte d'Israël
Le 7 octobre, le sanctuaire juif a été violé par le premier pogrom de masse depuis la Seconde Guerre mondiale, accompli sur le sol même d’Israël. La riposte a été à la hauteur du traumatisme : Gaza rasée, le Hezbollah décapité à Beyrouth comme à Téhéran même, et une guerre qui dure, menaçant d’embraser toute la région.
Cependant, la violence des bombardements sur Gaza, tout comme les prouesses techniques du Mossad dans l’élimination des cadres du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution, peinent à masquer la faiblesse des objectifs stratégiques de Netanyahu. Le Hamas, bien que militairement affaibli, tient toujours Gaza et sa population en otage, tout comme le Hezbollah contrôle encore le Liban, tandis que les mollahs règnent toujours sur la Perse. L’impasse militaire n’a d’égale que l’impasse politique.
4. La tragique inversion victimaire
Le pire est que la riposte israélienne a fait de l’État juif, pourtant agressé, un bourreau génocidaire aux yeux du monde, tandis que le Palestinien est érigé en symbole du colonialisme occidental. L’Afrique du Sud, auréolée du prestige de Mandela et de la lutte contre l’apartheid, poursuit Israël devant la Cour de justice internationale pour « génocide », déniant ainsi toute légitimité à l’État précisément créé sur les cendres d’Auschwitz.
Netanyahu est poursuivi, au même titre que le chef du Hamas, Yahya Sinwar, devant la Cour pénale internationale. Ce sont les étudiants de Columbia ou de Sciences Po qui arborent les couleurs de la Palestine, tandis que l’extrême gauche française appelle à l’intifada dans les rues de Paris. Et, bien sûr, c’est l'explosion d’un antisémitisme mondialisé, violent et débridé, condamnant le Juif au nom de l'antiracisme.
5. ONU ou SDN ?
Fracturée par la guerre d’Ukraine, l’ONU rappelle tristement la Société des Nations de l’entre-deux-guerres. Tandis que Russes et Chinois soutiennent l’Iran (qui livre drones et missiles à Moscou), les Occidentaux exhortent Israël (mais non Téhéran !) à un cessez-le-feu qui entérinerait la mainmise du Hamas sur Gaza et du Hezbollah sur Beyrouth. Un jeu perdant-perdant pour la région, et si l'on n'y prend garde, pour le monde entier.
Pierre Lellouche - Tribune, VA 9/10/24