10 Juin 2024
Achtung ! Macron débarque en Normandie ! Avec 6 discours en 3 jours !
Du 5 au 7 juin, le Président célèbre, en acteur consommé, le 80e anniversaire du Débarquement, qui tombe à point nommé : faisant oublier la Berezina annoncée de ses troupes aux élections européennes, deux jours après…
Macron, on le sait, adore le son de sa voix, il déguste chaque mot, chaque intonation de ses discours interminables ; il se repaît de ses itinérances mémorielles, de ce glorieux musée de l’Histoire de France où il vient piocher, selon son bon plaisir, ce qui lui sert à cacher la misère de notre déclassement actuel : Invalides, Panthéon, Villers-Cotterêts, tranchées de 14, Plateau des Glières… mais cette fois pour commémorer quoi au juste ?
La dégradation de la note de la France par Standard & Poor’s, tombée malencontreusement à la veille des festivités du 6 juin ? Les Kanaks en révolte, ou les Allemands qui s’éloignent, deux autres déplacements macroniens ces derniers jours ? Un gouvernement, qui faute de majorité, ne peut plus gouverner et occupe la galerie avec des innovations douteuses sur la fin de vie ? Nos universités en proie à la propagande du Hamas, ou Paris, l’ex plus belle ville du monde défigurée par les échafaudages hideux des JO ?
Jadis, je veux dire jusqu’à l’élection de Mitterrand, De Gaulle s’interdisait de célébrer ce 6 juin, d’où Roosevelt et Churchill l’avaient exclu, prévoyant de faire de la France une zone sous contrôle américain. Pour le Général, seul comptait son débarquement à lui le 14, à Courseulles puis Bayeux : le vrai retour de la France !
Mitterrand en 1984, eut l’idée de génie, doublée d’un pied de nez à De Gaulle, de faire du 6 juin, où la France n’avait servi que de sanglant champ de bataille, un événement international, avec Reagan et Thatcher, célébrant la victoire de la liberté contre le totalitarisme. Puis, 20 ans plus tard, en 2004, Chirac invita Poutine : les 23 millions de morts soviétiques valaient bien ce geste. Hollande recommença en 2014, invitant trois mois après l’annexion de la Crimée, Poutine et le nouveau président ukrainien Poroshenko, inventant la formule dite « de Normandie » où la France et l’Allemagne devaient servir de médiateurs pour mettre fin au conflit…
On connaît la suite.
En ce mois de juin 2024, deux ans et demi après le début de l’invasion russe, la guerre d’Ukraine a accéléré la bascule du monde vers une violence à la fois décomplexée et généralisée. Tandis que l’Amérique est toute à sa campagne présidentielle et à la condamnation de Trump, qu’elle regarde surtout vers le Moyen-Orient en flammes et vers le conflit qui vient à Taïwan, l’Europe se réveille péniblement de trente années d’illusions et de désarmement unilatéral. Elle découvre que la guerre est de retour, que l’Ukraine risque d’être vaincue, que face à elle, la Russie s’est alliée à la Chine, à l’Iran et à la Corée du Nord. Et que face à ces quatre cavaliers de l’Apocalypse, elle risque de se retrouver seule, si le 5 novembre, Trump devait l’emporter.
Alors il faut, cette fois, sauver le soldat Zelensky aujourd’hui en mauvaise posture, à qui l’on avait un peu vite promis, dans l’enthousiasme de ses succès initiaux, tout à la fois l’entrée dans l’OTAN et dans l’UE…
À la veille de ce 6 juin, Macron a donc préféré le risque de l’escalade à celui d’une éventuelle négociation. Poutine, et tout ce qui est russe, ont été bannis de ces célébrations normandes. Pas Zelensky, qui lui est invité. L’occasion d’en finir par une négociation globale, qui s’imposera un jour, n’a même pas été envisagée. Le mot même est tabou… Au contraire, il n’est question que d’autoriser les Ukrainiens à frapper le territoire russe avec des missiles américains et européens, cela avant l’envoi probable d’instructeurs militaires européens en Ukraine…
Souhaitons que notre président, féru de littérature, ait médité les leçons de l’histoire : celles de 1914, que rappelait Erich Maria Remarque : « À l’Ouest, rien de nouveau ».
Pierre Lellouche
Tribune VA 2/6/24