Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.
29 Mai 2025
Entre une négociation interminable sur l'Ukraine, une autre pour la libération d'un otage américano-israélien détenu par le Hamas, une troisième sur le nucléaire iranien, une quatrième avec les Houthis du Yémen pour stopper leurs attaques contre les navires américains (mais pas les autres), sans oublier la préparation de sa première visite officielle à l'étranger, une visite à 1000 milliards de dollars en Arabie et les Émirats à la mi-mai, Donald Trump à trouvé le temps de mettre fin à la 4e guerre indo-pakistanaise. « Après une nuit de pourparlers, sous l'égide des États-Unis, je suis heureux d'annoncer que l'Inde et le Pakistan se sont mis d'accord pour un cessez-le-feu immédiat. . . . Je pense que cela aurait pu être une mauvaise guerre nucléaire, des millions de personnes auraient pu être tuées, alors je suis très fier de cela ».
Pour une fois, l'autosatisfaction de Trump n'est pas exagérée. Si la Chine a elle aussi fait pression sur son allié pakistanais, l'appelant « à gérer la situation calmement », les Américains - le secrétaire d'état Marco Rubio et le Vice Président JD Vance - ont multiplié les appels auprès des dirigeants des deux pays l'Indien Narendra Modi et le Pakistanais Shahbaz Sharif. Après quatre jours de bombardements sur des sites djihadistes pour l'Inde et des bases aériennes pour le Pakistan, les frappes ont cessé, sur un match nul sans vainqueur ni vaincu. Temporairement.
Car si cette guerre trouve son origine le 22 avril dernier dans le massacre par un commando djihadiste venu du Pakistan, de 26 touristes hindous dans la localité touristique de Pahalgam dans le Cachemire indien, cet épisode n'est que le dernier en date d'un conflit religieux qui remonte à la partition du continent en 1947 lors de la décolonisation britannique.
La rupture entre le Parti du Congrès de Nehru et la Ligue Islamique d'Ali Jinnah avait entraîné la mort de centaines de milliers de civils et 15 millions de déplacés. Depuis lors, Indiens et Pakistanais se sont affrontés en 1965, puis à nouveau en 1972 (ce qui entraîna la partition du Bangladesh), et n'ont cessé de s'affronter au Cachemire, un territoire à majorité musulmane qui a lui même été coupé en trois morceaux : indien et pakistanais en 1947, mais également chinois, après la guerre sino-indienne de 1962 et la conquête chinoise de l'Aksai Chin aux confins du Ladakh. Une guerre de religions donc : la raison d'être du Pakistan, son ADN, n'est rien d'autre que l'Islam, tandis qu'avec Modi, l'Inde devient malgré ses 200 millions de musulmans, un État confessionnel hindou.
Mais une guerre potentiellement nucléaire aussi, car après la Chine en 1964, l'Inde en 1974, et le Pakistan en 1998, le sous continent indien est aujourd'hui totalement nucléarisé. Si pour New Delhi, le véritable adversaire est Chinois, sa force nucléaire visant à dissuader d'abord Pékin, le Pakistan pour sa part n'a jamais cessé d'exporter sa version de l'islam en Afghanistan comme au Cachemire, par le biais d'attentats terroristes islamiques spectaculaires à Delhi (2001) comme à Bombay (2008), et de façon quasi permanente au Cachemire depuis 2019.
Quant à son arsenal nucléaire, la bombe du Pakistan a été conçue comme la « première bombe islamique » et elle est tournée d'abord contre l'Inde. Pris en tenailles entre le terrorisme venu du Pakistan et à la pression des nationalistes hindous, Modi répond en durcissant la présence militaire indienne dans la province, en supprimant aussi le statut d'autonomie du territoire, et menace désormais une guerre de l'eau en bloquant les affluents de l'Indus vitaux pour l'agriculture pakistanaise. Or le Pakistan a prévenu : « Toute tentative d'arrêter ou de détourner les flux des cours d'eau prévus par le Traité de l'Indus (1960) sera considéré comme un acte de guerre ». . .
Le problème est que d'escalade en escalade, des erreurs de calcul sont possibles d'un côté comme de l'autre, comme le confirme dans ses mémoires Mike Pompeo, l'ancien Secrétaire d'État américain. Celui-ci révèle qu'en 2019 les deux pays ont failli basculer dans une guerre nucléaire. Or si une cinquantaine d'armes de 15 kilotonnes (la puissance de la bombe d'Hiroshima) étaient employées (l'Inde et le Pakistan disposent chacun de 150 ogives), les experts estiment qu'elles entraîneraient immédiatement 45 millions de victimes. Mais surtout, les conséquences des feux, de la destruction de la couche d'ozone, de l'hiver nucléaire qui en résulteraient provoqueraient 5 à 10 années sans été, un refroidissement massif des températures pendant 25 ans, et la mort par famine ou maladies de deux milliards d'êtres humains. . .
Pierre Lellouche VA 14/5/25