Les Chantiers de la Liberté

Idées et analyses sur les dynamiques politiques et diplomatiques.

Inde-Pakistan : une guerre à deux milliards de morts. . .

Inde-Pakistan : une guerre à deux milliards de morts. . .

Entre une négociation interminable sur l'Ukraine, une autre pour la libération d'un otage américano-israélien détenu par le Hamas, une troisième sur le nucléaire iranien, une quatrième avec les Houthis du Yémen pour stopper leurs attaques contre les navires américains (mais pas les autres), sans oublier la préparation de sa première visite officielle à l'étranger, une visite à 1000 milliards de dollars en Arabie et les Émirats à la mi-mai, Donald Trump à trouvé le temps de mettre fin à la 4e guerre indo-pakistanaise. « Après une nuit de pourparlers, sous l'égide des États-Unis, je suis heureux d'annoncer que l'Inde et le Pakistan se sont mis d'accord pour un cessez-le-feu immédiat. . . . Je pense que cela aurait pu être une mauvaise guerre nucléaire, des millions de personnes auraient pu être tuées, alors je suis très fier de cela ».

Pour une fois, l'autosatisfaction de Trump n'est pas exagérée. Si la Chine a elle aussi fait pression sur son allié pakistanais, l'appelant « à gérer la situation calmement », les Américains - le secrétaire d'état Marco Rubio et le Vice Président JD Vance - ont multiplié les appels auprès des dirigeants des deux pays l'Indien Narendra Modi et le Pakistanais Shahbaz Sharif. Après quatre jours de bombardements sur des sites djihadistes pour l'Inde et des bases aériennes pour le Pakistan, les frappes ont cessé, sur un match nul sans vainqueur ni vaincu. Temporairement.

Car si cette guerre trouve son origine le 22 avril dernier dans le massacre par un commando djihadiste venu du Pakistan, de 26 touristes hindous dans la localité touristique de Pahalgam dans le Cachemire indien, cet épisode n'est que le dernier en date d'un conflit religieux qui remonte à la partition du continent en 1947 lors de la décolonisation britannique.

La rupture entre le Parti du Congrès de Nehru et la Ligue Islamique d'Ali Jinnah avait entraîné la mort de centaines de milliers de civils et 15 millions de déplacés. Depuis lors, Indiens et Pakistanais se sont affrontés en 1965, puis à nouveau en 1972 (ce qui entraîna la partition du Bangladesh), et n'ont cessé de s'affronter au Cachemire, un territoire à majorité musulmane qui a lui même été coupé en trois morceaux : indien et pakistanais en 1947, mais également chinois, après la guerre sino-indienne de 1962 et la conquête chinoise de l'Aksai Chin aux confins du Ladakh. Une guerre de religions donc : la raison d'être du Pakistan, son ADN, n'est rien d'autre que l'Islam, tandis qu'avec Modi, l'Inde devient malgré ses 200 millions de musulmans, un État confessionnel hindou.

Mais une guerre potentiellement nucléaire aussi, car après la Chine en 1964, l'Inde en 1974, et le Pakistan en 1998, le sous continent indien est aujourd'hui totalement nucléarisé. Si pour New Delhi, le véritable adversaire est Chinois, sa force nucléaire visant à dissuader d'abord Pékin, le Pakistan pour sa part n'a jamais cessé d'exporter sa version de l'islam en Afghanistan comme au Cachemire, par le biais d'attentats terroristes islamiques spectaculaires à Delhi (2001) comme à Bombay (2008), et de façon quasi permanente au Cachemire depuis 2019.

Quant à son arsenal nucléaire, la bombe du Pakistan a été conçue comme la « première bombe islamique » et elle est tournée d'abord contre l'Inde. Pris en tenailles entre le terrorisme venu du Pakistan et à la pression des nationalistes hindous, Modi répond en durcissant la présence militaire indienne dans la province, en supprimant aussi le statut d'autonomie du territoire, et menace désormais une guerre de l'eau en bloquant les affluents de l'Indus vitaux pour l'agriculture pakistanaise. Or le Pakistan a prévenu : « Toute tentative d'arrêter ou de détourner les flux des cours d'eau prévus par le Traité de l'Indus (1960) sera considéré comme un acte de guerre ». . .

Le problème est que d'escalade en escalade, des erreurs de calcul sont possibles d'un côté comme de l'autre, comme le confirme dans ses mémoires Mike Pompeo, l'ancien Secrétaire d'État américain. Celui-ci révèle qu'en 2019 les deux pays ont failli basculer dans une guerre nucléaire. Or si une cinquantaine d'armes de 15 kilotonnes (la puissance de la bombe d'Hiroshima) étaient employées (l'Inde et le Pakistan disposent chacun de 150 ogives), les experts estiment qu'elles entraîneraient immédiatement 45 millions de victimes. Mais surtout, les conséquences des feux, de la destruction de la couche d'ozone, de l'hiver nucléaire qui en résulteraient provoqueraient 5 à 10 années sans été, un refroidissement massif des températures pendant 25 ans, et la mort par famine ou maladies de deux milliards d'êtres humains. . .

 

Pierre Lellouche VA 14/5/25

 

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M
Très bel article qui incite à réfléchir et à se rappeler certaines choses :<br /> <br /> Notre planète est fragile, mais elle peut parfois libérer des forces cataclysmiques face auxquelles nous restons impuissants. En même temps nous avons créé des outils avec lesquels nous pouvons provoquer un désastre d’envergure globale, voire l’anéantissement de toute notre civilisation telle que nous la connaissons…<br /> <br /> En avril 1815, le Tambora est entré en éruption sur l’île de Sumbawa, en Indonésie. Cette éruption volcanique a engendré un changement climatique. L’immense quantité de poussières volcaniques et de gouttelettes d’acide sulfurique éjectés dans l’atmosphère, ont causé trois années d’hiver volcanique, dont la première, l’année 1816, fut appelé « l’année sans été ».<br /> On observa une baisse des températures, des pluies diluviennes, des inondations et de la neige dans des vallées où elle ne tombe jamais en été.<br /> En Europe, déjà meurtrie par les années de guerres napoléoniennes, une Europe que Napoléon Bonaparte avait mise à feu et à sang, les récoltes étaient détruites et la famine est arrivée et des maladies se sont développées. Il y a eu des émeutes de la faim, en France, en Allemagne, en Angleterre et en Irlande. La Chine, l’est du Canada et le nord-est des Etats-Unis furent également touchés par cette catastrophe naturelle absolument néfaste.<br /> <br /> L’Homme moderne pensait pouvoir dompter la nature, mais ce n’est pas toujours le cas…<br /> <br /> Le 26 avril 1986, le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, à environ 130 kilomètres au nord de Kiev, a explosé suite à la fusion du cœur de ce réacteur.<br /> Le nuage radioactif de Tchernobyl n’est pas resté bloqué au-dessus de la « zone d’exclusion » en Ukraine. Il a fait le tour du monde. Le hasard a choisi les zones contaminées par les retombées nucléaires…<br /> <br /> C’était un accident.<br /> <br /> Mais, l’apocalypse peut également être fabriquée par l’Homme.<br /> <br /> 1962. Cuba. La crise des missiles. Comment sommes-nous sortis de cette crise qui menaçait de provoquer une apocalypse nucléaire ? C’était grâce à la diplomatie…Les protagonistes se sont parlés. Kennedy et Khrouchtchev ont fait un « deal ». L’un a retiré ses missiles de Turquie, l’autre de Cuba, et la Troisième Guerre Mondiale n’a pas eu lieu. Même si la Guerre Froide n’était pas finie jusqu’à ce que le Mur de Berlin tombe, c’était le commencement de la « détente ».<br /> Une « hotline » fut installé entre Washington et Moscou par ce qu’on avait compris qu’en cas de conflit, et pour éviter des malentendus, il valait mieux décrocher le « téléphone rouge » que d’ appuyer sur le « bouton rouge »…<br /> <br /> 2025. Donald Trump, J.D. Vance et Marco Rubio décident d’agir en tant que pompiers dans cette quatrième guerre indo-pakistanaise, très peu médiatisée. Et ils arrivent à éteindre les flammes suite à des heures et des heures d’appels téléphoniques et de négociations. Grâce à la diplomatie, l’incendie est arrêté. La région ne s’embrasera pas cette fois-ci…<br /> Certes, l’antagonisme religieux sous-jacent qui était à l’origine du conflit, couve encore comme un « feu zombie ».<br /> Ce n’est pas la partition du sous-continent indien au moment de l’indépendance indienne en 1947, qui a créé cet antagonisme religieux, parfois latent, parfois ouvert. Bien au contraire, c’est cet antagonisme même qui est à l’origine de la partition.<br /> Malheureusement, la création du Pakistan, d’abord en deux entités, séparées de 1600 kilomètres l’une de l’autre, n’a pas mis fin à la conflictualité. La troisième guerre indo-pakistanaise de 1971 a accouché du Bangladesh, mais les feux souterrains continuent de brûler et on n’a pas réussi à stopper le terrorisme islamique - venant surtout du Pakistan - dans ces contrés, en dépit de la création de deux états - le Pakistan à l’Ouest, le Bangladesh à l’Est - principalement musulmans - aux frontières de l’Inde contemporaine, majoritairement hindoue….<br /> <br /> Mais cette fois-ci, un affrontement nucléaire, qui aurait, si les 150 ogives nucléaires avaient été utilisées de chaque côté, pu, effectivement, provoquer un très long hiver nucléaire, des années « sans été » accompagnées d’une baisse de températures, d’un changement climatique créant des famines et des épidémies, et une radioactivité néfaste, faisant des millions et des millions de victimes…<br /> <br /> Par conséquent, il convient de féliciter l’administration Trump pour ses efforts diplomatiques.<br /> <br /> Et quand l’administration Trump nous propose sa médiation dans le conflit russo-ukrainien, parce qu’elle veut arrêter le bain de sang et que la fin des hostilités ne peut être que bénéfique pour l’Europe, il faut être à l’écoute.<br /> Quand, dans ce contexte, on voit Friedrich Merz promettre monts et merveilles à Zelensky lors de sa récente visite à Berlin, avec l’implicite possibilité de frapper Moscou avec des missiles TAURUS, et annoncer un 18ième paquet de sanctions, alors qu’un processus de paix et néanmoins engagé, on ne peut que trouver cela grotesque.<br /> Mais, Friedrich Merz est un éminent membre du quatuor va-t-en-guerre qui a cheminé vers Kiev il y a trois semaines...<br /> <br /> Reste à espérer que la lucidité prévaudra, et que nous allons aller plutôt vers la paix que vers l’escalade.<br /> Et si les négociations durent, qu’elles durent un peu.<br /> <br /> Vaut mieux de bonnes négociations constructives pour établir une paix durable, qu’une mauvaise guerre - potentiellement nucléaire - née d’une escalade.<br /> <br /> Marion Winter le 01/06/2025
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P
C'est avec plaisir que nous saluons ce pertinent et élégant commentaire. Merci !