14 Septembre 2024
Alors que le monde reste concentré sur l’interminable guerre de Gaza, le Hezbollah n’a été pleinement découvert que récemment, alors qu’un conflit généralisé menace d’embraser le Liban avec des frappes de missiles échangées entre la milice chiite et Israël.
Mais le Hezbollah n’est pas seulement une puissante armée chiite, forte d'au moins 50 000 combattants aguerris en Syrie après une décennie de combats aux côtés de Bachar Al-Assad. Ce n’est pas non plus « seulement » 150 000 missiles de tous types, fournis par l’Iran, capables d’atteindre l’intégralité du territoire israélien.
Non, le Hezbollah, filiale du régime de Téhéran, est aujourd’hui le véritable maître d’un État failli : le Liban, autrefois cher à la France. Certes, la classe politique libanaise, véritable association de malfaiteurs, est en grande partie responsable de ce naufrage. Cependant, de nombreux mauvais génies ont également contribué à la destruction progressive du pays, le laissant aux mains du Hezbollah.
Guerres civiles des années 70 et 80, guerre israélienne de 2006, fiasco américain en Irak, désastre de la guerre syrienne depuis 2011, afflux de réfugiés palestiniens puis syriens, sans oublier l’explosion du port de Beyrouth en 2020 qui a détruit les réserves de grains du pays, au moment où la guerre en Ukraine faisait exploser les prix des denrées alimentaires. Pour couronner le tout, un système constitutionnel fondé sur des fractures confessionnelles sert les intérêts d’une minorité d’ultra-riches.
La faillite du Liban est survenue à partir de 2019. Ses conséquences sont désastreuses, comme en témoignent les rapports de la Banque mondiale : une livre libanaise qui a perdu 98 % de sa valeur, une économie désormais dollarisée (46 % du PIB), alimentée par des fonds en provenance d'Irak ou d'Iran ; une inflation passée de 3 % au début des années 2000 à 85 % en 2019, puis à 221 % en 2023 ; une pauvreté touchant 44 % de la population, qui a vu les prix multipliés par 15 en dix ans et qui doit réduire d’un tiers sa consommation de viande ou de poisson.
En 2020, le Liban a fait défaut sur sa dette de 32 milliards de dollars. En conséquence, le FMI refuse de débloquer les 3 milliards de dollars promis, tandis que l’Union européenne ne finance qu’à hauteur d’un milliard les réfugiés syriens, par crainte d'une émigration massive vers l’Europe. Quant aux déposants libanais, ils ont vu leurs comptes pillés par des banques dont les fonds se sont évaporés à l’étranger. Pour parachever ce chaos, le Parlement a récemment voté la baisse des taxes sur les produits financiers, dans l'attente d'une aide extérieure hypothétique.
Dans ce contexte, c’est le Hezbollah qui remplace l’État : il assure les services sociaux et de santé pour les plus démunis, fournit l’électricité grâce à des générateurs opérés par des municipalités affiliées à Amal ou au Hezbollah, et finance les prêts en échange d’or par l’intermédiaire d’une structure associative, Al Qard Al Hassan Association, qui dispose même de distributeurs automatiques en dollars. Il importe également des panneaux solaires chinois à bas prix et prête de l’argent pour les acquérir, tout en assurant le versement des salaires de ses soldats et employés.
Pour compléter ses ressources, le Hezbollah s’est lancé dans le trafic de drogue, s’appuyant sur les diasporas libanaises et syriennes en Amérique latine, tandis qu’au Venezuela de Maduro, le pétrole iranien est importé en échange d’or, à nouveau stocké à Téhéran.
Il y a quatre ans, en août 2020, dans un Beyrouth dévasté par l’explosion du port, Emmanuel Macron, en bras de chemise, avait harangué la foule, promettant un « nouveau pacte politique » et criant « Vive le Liban ! ». Il avait condamné « les profiteurs », « le système crapuleux » et « le jeu mortifère de la corruption ».
Et puis, plus rien. Les corrompus sont toujours en place, et le Hezbollah aussi…
Pierre Lellouche
Tribune VA – 31/08/2024