16 Décembre 2024
Deux facteurs principaux se conjuguent pour annoncer la fin probable de la guerre d’Ukraine en 2025, et ce, dès le printemps.
Le premier est le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le 20 janvier. Sans l’aide massive des États-Unis, la poursuite du conflit devient tout simplement impossible pour l’Ukraine, comme l’a reconnu publiquement Volodymyr Zelensky. Depuis avril 2022, Washington a consacré près de 100 milliards de dollars, essentiellement en assistance militaire, à l’Ukraine. Or, Donald Trump s’est engagé à mettre fin à cette guerre « en 24 heures ». Son attention se tourne ailleurs : à l’intérieur, pour reconstruire la puissance américaine ; et à l’extérieur, avec la Chine comme principal adversaire et Israël comme allié clé. L’Ukraine, désormais, deviendrait l’affaire des Européens, qui devront prendre en charge sa sécurité et sa reconstruction.
Le second facteur découle de l’épuisement des belligérants, après trois années de guerre et un bilan humain terrible : un million de morts et de blessés des deux côtés. L’Ukraine, dévastée, voit sa population fondre à 30 millions d’habitants, contre 52 millions en 1991. Avec des ressources humaines et militaires qui s’amenuisent, l’armée ukrainienne recule depuis plusieurs mois, rendant improbable toute « victoire », au sens d’une reconquête complète des territoires occupés par la Russie. Zelensky lui-même évoque désormais une récupération diplomatique des régions annexées par Moscou, comme le Donbass et la Crimée.
De son côté, Vladimir Poutine ne peut non plus prétendre à une victoire éclatante. Son objectif initial de contrôle total de l’Ukraine, via une « opération spéciale » en février 2022, a échoué. Paradoxalement, son invasion a renforcé un sentiment national profondément anti-russe en Ukraine. Malgré des pertes humaines considérables et une dépendance accrue envers la Chine face aux sanctions occidentales, il se contente des territoires orientaux déjà occupés, tout en mobilisant des alliés étrangers, comme des soldats nord-coréens ou houthis.
La guerre a également provoqué des conséquences stratégiques inverses pour Moscou : l’élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande, transformant la mer Baltique en un espace quasi entièrement otanien, et l’affaiblissement de la Russie sur l’échiquier international.
Des négociations, initiées discrètement entre l’équipe de Trump et le Kremlin, commencent à esquisser les contours d’un accord, susceptible de se conclure au-dessus des têtes des Ukrainiens et des Européens. Les grandes lignes reprennent celles des compromis négociés en mars-avril 2022, sous médiation turque :
De nombreux autres points sensibles devront être résolus : désarmement partiel de l’armée ukrainienne, garanties de sécurité pour Kiev, levée des sanctions contre la Russie, et entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne.
Enfin, les Européens, ayant échoué à prévenir la guerre par la diplomatie ou la dissuasion, se retrouveront en première ligne pour financer la reconstruction du pays, à hauteur de 700 milliards d’euros, tout en réarmant face à une Russie potentiellement dangereuse. Mais l’accord final, comme le craignait Jacques Bainville après Versailles, pourrait bien « recoudre la plaie en laissant l’infection à l’intérieur ».
Par Pierre Lellouche
Extrait du JDD, 7 décembre 2024
Auteur de « ENGRENAGES : La guerre d’Ukraine et le grand basculement du monde », éditions Odile Jacob, octobre 2024.