22 Décembre 2024
La guerre d'Ukraine avec Pierre Lellouche et Nicolas Tenzer.
Alain Finkielkraut
L'opération militaire spéciale, lancée par Vladimir Poutine le 24 février 2022, devait durer trois jours. Elle avait pour objectif de renverser le régime nazi de Kiev et de ramener l'Ukraine dans le giron de la Grande Russie. Les choses ont tourné autrement. La guerre éclair est devenue une guerre sans fin, horriblement meurtrière. Et comme le constatent chacun à sa manière, Nicolas Tenzer et Pierre Lellouche, elle a changé la face du monde.
Comment penser ce basculement ? Quels sont les nouveaux rapports de force ? Où en sommes-nous maintenant que se dissipe la douce chimère de la fin de l'histoire ? Quelle paix est souhaitable ? Quelle paix est possible ? Que doit faire l'Europe ?
Avant de traiter ces questions lancinantes, Je voudrais demander à mes invités si, selon eux, cette agression russe contre l'Ukraine était inévitable ou si, et à quelles conditions, elle aurait pu ne pas avoir lieu. Pierre Lellouche.
Pierre Lellouche
Alors ce à quoi on assiste, c'est en fait le troisième épisode de la guerre de sécession d'Ukraine au cours du siècle écoulé. A chaque fois, ça a correspondu soit à l'effondrement du pouvoir en Russie, soit à une guerre mondiale. Il y a eu trois tentatives 1917-1920. Et là, ni les vainqueurs, ni les vaincus, ni les Russes rouges, les Bolcheviks, ni les Blancs ne voulaient de l'Ukraine.
Il y a eu 1941, l'arrivée des nazis, avec la complicité de Bandéra pour l'extermination des Juifs en Ukraine. Et là encore, le Nationalisme ukrainien a raté. Staline a repris le contrôle, élargi les frontières, et tracé les frontières de l'Ukraine de 91.
Et puis il y a eu 91. le divorce entre la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine, suivi une semaine plus tard par la dissolution de l'Union soviétique. Et là, l'Ukraine est apparue à nouveau, pour la première fois, après avoir été longtemps le fantôme de l'Europe. Et la question s'est posée de savoir ce qu'on allait en faire. La position initiale des Américains et des Français, à l'époque George Bush père et François Mitterrand, c'était de laisser l'Ukraine aux Russes pour voir la paix. Mieux, en 1994, les Américains ont puissamment aidé les Russes à dénucléariser l'Ukraine et à rendre aux Russes les quelques 5000 armes nucléaires héritées de l'Union soviétique qui étaient sur le sol ukrainien. Donc, ni la France, ni l'Amérique n'étaient chaudes pour voir l'Ukraine changer de camp.
Ensuite, le sort de l'Ukraine s'est trouvé pris en tenaille dans l'évolution des relations entre les deux empires, l'empire américain qui était surpuissant et l'empire russe qui était déclinant, mais que, à partir de 1999, Poutine a voulu faire renaître. Et c'est là qu'au fil des années, l'affaire ukrainienne s'est trouvée prise en tenaille entre les deux. Il y a eu des divergences assez vite sur la flotte - qu'on avait réglé - la flotte à Sébastopol. Et puis la question se posait de savoir ce qu'on allait en faire.
Zbigniew Brzezinski avait beaucoup écrit dans les années 90. Qu'est-ce qu'on allait en faire ? Est-ce que ça allait rester dans l'orbite russe ? Est-ce que ça allait passer, comme le souhaitaient les Ukrainiens, de l'Ouest vers l'Ouest, et l'OTAN ? Et moi j'ai vu Viktor Iouchtchenko, qui m'a d'ailleurs décoré, lors du premier Maïdan ; qui lui souhaitait, (j'étais à l'époque président de l'Assemblée de l'OTAN), rentrer dans l'OTAN, dès le début des années 2000, à une époque où la plupart des Ukrainiens d'ailleurs ne souhaitaient pas rentrer dans l'OTAN, ils souhaitaient rentrer dans l'Union Européenne.
Et puis, par le concours des circonstances, les choses se sont aggravées au fil des années, il y a eu l'ex-Yougoslavie, tout ce qui a tendu progressivement la relation entre l'Amérique et la Russie. Le fameux discours de 2007 de Poutine où il dit « Nous, on n'en veut plus de la mainmise du monde par les Américains, on exige d'être reconnus », c'était l'époque où Obama considérait la Russie comme une puissance régionale, et où John McCain disait que la Russie c'est une sorte de station d'essence avec des bombes atomiques. Et Biden, revenant de Moscou - ça c'est un film qui est passé récemment sur Arte, qui est spectaculaire, que je cite dans le livre - Biden dit, les Russes, je leur ai dit que de toute façon, c'est comme ça et c'est pas autrement, et s'ils n'étaient pas contents, ils n'ont qu'à voir les Chinois, et mieux, même les Iraniens et l'audience rigolent. C'était l'époque où l'Amérique considérait que la question russe n'était pas réglée du tout.
Pendant ce temps-là, le fils Bush décide d'accélérer l'élargissement de l'OTAN qui s'est déroulé toutes les années 90. Les Russes ont laissé faire tant que c'était les Européens centraux. Mais quand on s'est approchés de l'Ukraine et de la Géorgie, ils ont dit non.
Et à Bucarest en 2008, Sarkozy était président, moi j'étais avec lui. Sarkozy et Merkel disent non, il ne faut pas élargir à l'Ukraine, il y aura une guerre. Et là, on a trouvé le compromis le pire possible qui consistait à dire l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à entrer dans le temps mais ils ne rentrent pas tout de suite. Et donc on a créé cette situation. qui a précédé l'arrivée de l'Europe complètement par hasard, si j'ose dire, en 2013, en disant on est prêt à un accord de libre-échange, etc. Et Poutine, que je vois à ce moment-là, en septembre 2013, en tête-à-tête, me dit, l'Ukraine je n'accepterai jamais que ça passe à l'ouest, je préférerai la détruire.
Et donc, on est dans cette situation-là, qui mène à la Crimée, le début de la guerre en réalité, en 2014.
Alors, est-ce que ça aurait pu être évité tout ça ? Bien sûr.
L'Ukraine a été victime de la détérioration des relations entre les deux superpuissances, de l'indifférence des Européens qui ont laissé faire, on s'est pas occupé ensuite du processus de Minsk. Et donc, l'affaire du statut de l'Ukraine, neutre ou pas neutre, pont ou pas pont, entre les deux, n'a jamais été traitée. Et on a laissé pourrir une situation par indifférence, on s'est en même temps drogués au gaz russe derrière les Allemands, qui ont supprimé le nucléaire pour des raisons de politique intérieure, et on a désarmé. Donc on n'a ni négocié avec les Russes, ni dissuadé les Russes. Et on s'est retrouvé dans une situation où, après le retrait américain d'Afghanistan, les conditions piteuses, après l'autre retrait de Syrie en 2013, les Russes ont pensé qu'ils pouvaient refaire le coup de Prague. C'était l'idée, sauf que ça n'a pas marché. Les Américains et les Russes étaient persuadés que ça allait durer 3 jours, comme vous l'avez dit. Mais ce qui a tout changé, c'est la surprise stratégique qui a été la résistance des Ukrainiens. Et à partir de là, on rentre dans un autre monde. Il y a des négociations, on va y revenir, en mars-avril, entre Ukrainiens et Russes, qui auraient pu marcher. Là aussi, on aurait pu interrompre la guerre. Je n'ai cessé de dire depuis le début, avant même qu'elle éclate, et pendant la guerre, qu'on aurait pu stopper cette affaire. Ça n'a pas stoppé, on en est maintenant à un million de morts et de blessés des deux côtés, une plaie ouverte au centre Europe et un basculement du monde. Et je dis bravo à ceux qui nous ont conduit à ce désastre, faute d'avoir pris leur responsabilité, d'avoir stoppé cette affaire qui était prévisible depuis 33 ans.
Alain Finkielkraut : Nicolas Tenzer.
Nicolas Tenzer
J'ai une lecture pour partie différente, dans la mesure où je crois que ce qui s'est passé à partir de 1989-1991, c'est tout simplement l'émergence et la libération des nations, de ce que Milan Kundera appelait les petites nations, même si l'Ukraine est une moyenne nation plutôt qu'une petite nation. C'est-à-dire que pour la première fois, ces peuples emprisonnés derrière le rideau de fer se sont mis à rêver Et heureusement, c'est un progrès considérable dans l'histoire de l'humanité à la liberté et à l'indépendance et à l'affirmation d'eux-mêmes. Et ils ont redécouvert, toutes ces nations d'ailleurs, pas seulement l'Ukraine, mais l'Ukraine aussi, ils ont découvert leur passé, ils ont compris qu'ils avaient été soumis à une forme de domination coloniale ou impériale, en quelque sorte, par l'URSS jadis, et qu'il n'était absolument pas question qu'ils retombent dans le joug de la Russie, parce que c'était tout simplement la privation de ce pour quoi ils s'étaient battus et de leurs idéaux, mais aussi des idéaux que l'Europe avait fait siens.
Et à partir de ce moment-là, évidemment, lorsque Poutine en particulier est arrivé au pouvoir, lui, il a considéré une seule chose, c'était qu'il fallait retourner, en quelque sorte, à une forme de domination impériale, que le droit des peuples, la liberté, la liberté d'abord individuelle des personnes, mais aussi la liberté des nations n'avaient strictement aucun sens. Et quand on lit, et j'en parle évidemment beaucoup dans mon livre, quand on voit effectivement tous les écrits de Poutine, depuis 2000, on s'aperçoit que pour lui, tout simplement, les autres nations, en tout cas celles de l'ancien empire soviétique, n'ont pas le droit à l'existence.
Et du côté des Occidentaux, et alors peut-être qu'il y a sur un petit point, je pourrais rejoindre Pierre Lellouche, nous n'avons pas pris les décisions qui s'imposaient, c'est-à-dire que nous sommes restés dans l'entre-deux. D'abord, nous avons tous aidé à la Russie. Rappelez-vous par exemple ce qu'on appelle la politique européenne de Russia First, donc la Russie en premier, qui considérait à accorder des avantages absolument considérables à la Russie. Rappelez-vous d'ailleurs l'acte unique de l'OTAN, signé en 1997, qui prévoyait un partenariat entre la Russie et l'OTAN, qui est d'ailleurs resté en place jusqu'en 2014, date de la première attaque russe contre l'Ukraine, la Crimée et le Donbass, Il faut voir aussi que les dirigeants, effectivement, occidentaux, n'ont pas voulu prendre la mesure de ce qu'était l'idéologie russe sous Poutine. Et dans ce cadre-là, ils n'ont pas voulu considérer comme des signes ce qui était l'essentiel de la politique russe, c'est-à-dire le crime. Et le crime était le message.
C'était le message dès la guerre de Tchétchénie. Ça a été le cas en Géorgie. Ça a été le cas en 2014. Ça a été le cas en Syrie. Et on a considéré que ça n'avait strictement aucune importance à leurs yeux qu'un régime majeur commette des crimes de masse, comme ils le font évidemment aujourd'hui. Et donc nous n'avons pas réagi. Nous avons été faibles. Et en particulier, je termine juste rapidement, Obama en 2013, bien sûr avant, je dirais, aussi bien Sarkozy que Merkel en 2008 lorsqu'ils ont refusé à la Géorgie et à l'Ukraine de rejoindre l'OTAN. S'ils avaient rejoint à ce moment-là, ils n'auraient pas eu la guerre, tout simplement. C'est quand même aussi ça, la réalité. Et puis évidemment, Biden, qui a donné tous les signaux possibles. Retrait des troupes d'Afghanistan en 2021, etc., etc. Nous n'avons pas stoppé la Russie. Et nous lui avons dit maintenant, écoutez, ça suffit.
Alain Finkielkraut
Mais est-ce qu'on peut pas dire, Pierre Lellouche, que le message, en fait... était l'Empire aussi ? Vladimir Poutine a déclaré que la plus grande catastrophe du XXe siècle, c'était la chute de l'Union soviétique. Il ne voulait pas le retour au soviétisme, il voulait le retour à l'Empire. Et il est vrai que les dirigeants ou les propagandistes russes ont multiplié les déclarations selon lesquelles il fallait occuper l'Ukraine et liquider l'État ukrainien.
Galia Ackermann cite un écrivain, Prilépine, qui en 2017 disait que l'objectif de la guerre dans le Donbass est la prise de Kiev car Kiev est une ville russe, une ville russe ukrainienne. Notre objectif c'est toute l'Ukraine, aucun autre objectif n'est possible. Il y avait-il moyen d'éviter cette guerre dès lors que pour la Russie, l'Ukraine ne pouvait pas et ne devait pas être indépendante ?
Pierre Lellouche
Tout ce que j'ai lu du côté russe, y compris Soljenitsyne, jusqu'à Navalny avant son incarcération, en passant par Gorbachev, Yeltsin, et tous les autres, c’est fait que, pour les Russes, l'Ukraine fait partie de la famille. Ce qu'ils appellent Novorossiya. Et Soljenitsyne dit, bon, s'ils veulent partir, ils peuvent partir. Tous ceux qui sont pas Russes peuvent partir. Mais pas la partie qu'ils considèrent comme russe, celle qui a été colonisée à l'époque par Catherine II, c'est-à-dire le Donbass et la Crimée, bien sûr, qui était turque précédemment.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que dans la psychologie des Russes, dans la pré-guerre, l'Europe centrale, ils ont laissé faire l'élargissement de l'OTAN en protestant, parce qu'il faut bien se rappeler qu'au moment où le pacte de Varsovie est dissout, le maintien de l'OTAN est lui-même problématique. Il y a plein d'Américains à l'époque, je m'en souviens très bien, et pas des moindres, comme George Kennan par exemple, qui disent à Clinton, il ne faut pas élargir l'OTAN, ce serait la plus grave erreur. de la politique étrangère américaine, ce n'est pas la peine de recommencer la guerre froide. Et Clinton le dit lui-même. Le père Bush dit aussi la même chose. Sauf qu'il y a la pression du lobby militaro-industriel américain. plus toutes les diasporas, notamment polonaise, ukrainienne, etc., aux Etats-Unis et au Canada, la peur de ces pays qui sortent du joug soviétique, et on peut le comprendre, aujourd'hui en Pologne, il y a encore des gens qui sont absolument tétanisés par l'idée de voir revenir les Russes.
Donc tout ça a fait une pression telle que, finalement, l'idée d'élargir l'OTAN, on va élargir à l'Union Européenne, mais ce que veulent ces pays d'Europe centrale, c'est aller dans l'OTAN, c'est ça le sujet.
Les Russes laissent faire l'Europe centrale. Arrivé à l'Ukraine, là il y a un problème, parce que l'Ukraine c'est une histoire très complexe, 600 ans d'occupation polonaise, 300 ans d'occupation russe, la naissance, le berceau historique de la Russie, comme dit Mitterrand lui-même à Kiev. Le prince Vladimir, l'adhésion à la religion orthodoxe, tout ça se fait à Kiev. Donc pour les Russes, c'est une situation presque familiale, quand on lit Gogol, Babel, etc. On a ça.
Donc nous avions ça devant nous, avec des Russes qui étaient décidés à maintenir cette influence. La question c'est comment on fait, comment on gère ? Il y a deux manières possibles. Aujourd'hui, M. Tenzer nous dit, cette guerre c'est notre guerre, et il faut abattre définitivement le propoutinisme par la guerre.
Moi, j'ai dit que c'est une position complètement folle, mais on y reviendra. Ce que je crois, c'est qu'en face, nous, on a surtout péché par indifférence. L'Ukraine, c'est une tâche blanche dans la mémoire de l'Europe, et encore plus des Américains, ça n'existe pas. Pour nous, Français, c'est très loin, et on ne s'en est pas vraiment occupé, personne ne s'en est occupé depuis 1918. Donc on paye, un peu comme au Proche-Orient, les sujets non réglés en 1918, on les paye avec un siècle de retard.
Mais qu'est-ce qu'on a fait ? Est-ce qu'on a pris en compte la montée en puissance de cette nostalgie de l'empire côté russe ? Non, parce qu'on a continué à désarmer à l'os. Aujourd'hui, les pays comme l'Angleterre, la France et l'Allemagne alignent au maximum 200 avions, quelques dizaines de canons, 10 frégates, c'est rien ! Donc soit on prend au sérieux ce que dit Poutine et on se prépare, et aujourd'hui on doit se préparer, parce que cette guerre change le rapport de force en Europe. Et je suis le premier à dire qu'il faut réarmer d'urgence et puissamment. Mais on ne l'a pas fait pendant 30 ans.
Deuxièmement, qu'est-ce qu'on a fait ? On a vendu des Mistral côté français. On a investi 25 milliards en Russie. On a employé 350 000 Russes du côté des entreprises françaises. Les Allemands se sont gorgés de gaz russe parce que c'était... un des piliers de la stabilité allemande avec les exportations vers la Chine et la sécurité gratuite des Américains. Donc c'est ça le monde qu'on a fabriqué. Et après, on s'étonne que, effectivement, du côté des Russes, quand ils voient la faiblesse, ils poussent. Mais c'est dans la nature des choses.
Nicolas Tenzer
Ce que décrit Pierre Lellouche sur, effectivement, notre inconscience totale est totalement réelle. Et il faut voir aussi que des gens que vous avez cités, comme François Mitterrand, ou Georges Bush père, étaient dans un ancien monde. Eux, ils se seraient tout à fait, finalement, satisfait d'une sorte de prison des peuples. C'est aussi dans leur conception. Dans leur conception du monde. Mais qui n'est effectivement pas la mienne cette question de débat politique.
Pierre Lellouche
C'est pas une histoire de prison. La question c'était le statut local des provinces du Donbass et le statut de l'Ukraine. Après tout il y avait eu la Finlande et la Suède qui étaient neutres. C'était pas une prison pour la Finlande. L'Autriche ou la Suède.
Nicolas Tenzer
L'Ukraine était neutre. L'Ukraine, si vous permettez d'aller jusqu'au bout, l'Ukraine était neutre. Après tout, après le mémorandum de Budapest de 1994 que vous avez évoqué, où l'Ukraine a abandonné l'ensemble de ses armes nucléaires, elle était totalement neutre. À l'époque, il n'était pas du tout question d'ailleurs même qu'elle entre dans l'OTAN, ce qui était d'ailleurs, je dirais, ça ne posait aucun problème d'ailleurs parce que l'OTAN est une alliance défensive, donc si un pays n'est pas attaqué, on n'a pas à redouter qu'un pays soit membre de l'OTAN. Il faut quand même rappeler aussi cette évidence. Quant à la perception russe, oui bien sûr, moi je suis allé suffisamment en Russie, dans l'OTAN, pour voir que cette perception russe était dominante. Mais ce n'est pas parce que vous avez cette perception qu'il faut que nous, en raison de nos principes européens et de notre sécurité bien comprise, nous lui fassions droit. Je veux dire, c'est quand même ça, la réalité. Sur la question, effectivement, du fait que nous, nous ayons été totalement... Enfin, nous, Européens, Allemands, Français, en particulier, nous ayons été complètement complices, complètement stupides, y compris des entreprises.
Je me rappelle avoir dit à un certain nombre d'entreprises, mais vous êtes fous d'investir ainsi en Russie, des entreprises qui après ont pris, je ne pourrais pas citer laquelle, 2 milliards de pertes sur la Russie en raison d'une imprévoyance et d'une méconnaissance de la réalité, non seulement de la Russie, mais aussi de l'idéologie poutinienne. Donc je pense que nous avons effectivement fait face à l'erreur, nous avons désarmé. C'était une faute, oui, bien sûr, c'était totalement une faute. Et aujourd'hui, je pense que quand je vous parle de défaite militaire de la Russie, pas seulement d'ailleurs en Ukraine, mais également en Géorgie, vous voyez la Russie qui met la main sur le peuple géorgien avec le rêve géorgien, mais également au Bélarusse, mais également en Syrie, où la Russie a tué plus de civils syriens que même Daesh. Je veux dire, on a un certain moment où nous affirmons notre sécurité à long terme et nos principes, ou bien nous y renonçons. Alors nous pouvons y renoncer, mais ce n'est pas effectivement mon choix
Alain Finkielkraut
Oui, mais restons-en à la question de l'OTAN. Vous l'avez rappelé, c'est une alliance défensive. Vous avez rappelé, Pierre Lellouche, que Georges Kennan se méfiait d'un élargissement de l'OTAN. Il avait dit que ça allait faire renaître les aspirations impériales russes. De façon, disons, très prémonitoire. Mais d'un autre côté, le 4 décembre, le ministre ukrainien des Affaires étrangères était devant les membres de l'OTAN. Et il a brandi le mémorandum de Budapest auquel, Nicolas Tenzer, vous avez fait référence.
Et ce texte précisait les garanties de sécurité que l'Ukraine devait recevoir dans le cadre de son adhésion au traité de non-prolifération des armes nucléaires. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie s'étaient engagés, et la France, à garantir l'intégrité de l'Ukraine en échange d'un abandon des armes nucléaires stockées sur son territoire. L'Ukraine a abandonné ses armes, mais la garantie n'a pas fonctionné. Donc on peut bien comprendre que l'Ukraine, aujourd'hui, veuille, dans le cadre de négociations futures, obtenir des garanties plus solides et donc avoir le parapluie de l'OTAN. C'est quand même une des données normales de la situation.
Pierre Lellouche
Alors là, vous sautez à l'arrivée qui est l'organisation du traité... Enfin de l'accord de cessez-le-feu et de paix qui va suivre, et l'euro n'est pas que des garanties de sécurité. La question des garanties de sécurité s'est posée, en effet, en 1994, après la dénucléarisation forcée, parce que les ukrainiens n'étaient pas favorables à rendre ces armes nucléaires aux soviétiques.
Nicolas Tenzer
Les américains ont beaucoup poussé, effectivement.
Pierre Lellouche
Non seulement ils ont poussé, mais ils ont même payé. Parce que, figurez-vous, je participe à une ONG américaine qui s'appelle NTI, qui a été fondée par le sénateur Nunn. Nunn-Lugar, c'était l'amendement du Sénat américain qui payait qui payait les Russes pour rapatrier le plutonium et l'uranium parce qu'ils craignaient que ça parte vers des groupes terroristes et autres. Et il y avait eu quelques fuites venant d'Ukraine d'ailleurs qui, à l'époque, avaient renforcé ces doutes. Donc il y avait une pression très forte.
Les Américains voulaient en finir avec ces armes qui étaient un peu partout, au Kazakhstan, en Russie, en Ukraine et ailleurs. poursuivent les négociations sur la limitation des armements, donc il fallait que ces armes retournent, et la France a soutenu ça, et le président Mitterrand s'est fendu d'un paragraphe, qui est dans un annexe de mon livre, que j'ai retrouvé dans les archives du Quai d'Orsay, qui montrait à quel point ces garanties étaient du pipeau absolu, et tout le monde aujourd'hui, c'est d'ailleurs une des conséquences de cette guerre, tous les pays qui ont un problème de sécurité, ou une ambition, vont déduire de cette affaire du mémorandum de Budapest qu'aucune garantie sur un bout de papier n'a autre chose que la valeur du bout de papier. C'est-à-dire que tout le monde va se précipiter pour faire des bombes atomiques. J'en ai parlé au chef d'État au Proche-Orient.
Si l’Iran fait la bombe, les Turcs feront la bombe, les Saoudiens, les Émiriens, tout le monde y est. Les Égyptiens, idem en Asie, où la Corée du Sud, le Japon vont se lancer dans cette course.
Nicolas Tenzer
Une petite parenthèse parce que nous ne sommes pas nécessairement là-dessus en désaccord, c'est parce que aussi justement vous n'avez pas de garantie de sécurité issue de ces traités de papier ou ces chiffons de papier que précisément vous avez de plus en plus d'États qui considèrent que la dissuasion nucléaire apportée par les États-Unis principalement, et ça vaut aussi pour les pays d'Asie, ne vaut pas. Si aujourd'hui l'Ukraine d'ailleurs... Mais non, mais c'est un vrai sujet. C'est-à-dire que quand vous n'avez plus de crédibilité, il y a une tentation d'un nombre d'États...
Pierre Lellouche
Je décris tout ça dans mon livre, mais ce n'est pas le sujet qui était posé par Alain Finkielkraut. La question c'est pourquoi cette garantie est importante aujourd'hui ?
La garantie est importante aujourd'hui parce qu'on va retrouver, et c'est là l'une des ironies sinistres de cette histoire, c'est qu'alors que tout ça vient de la demande de l'exigence des Etats-Unis, de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, qu'on se trouve dans cette situation. Or, aujourd'hui, quelle est la position américaine ? Biden, comme Trump, exclut totalement l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
Vous m'entendez ? À deux reprises lors des deux derniers sommets de l'OTAN à Washington, donc le sommet anniversaire présidé par Biden, il était hors de question que l'Ukraine rentre dans l'OTAN. Donc, une guerre qui a commencé à cause de l'éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'OTAN se termine, après un million de morts et de blessés, dans une situation où on explique à l'Ukraine qu'elle ne va pas rentrer dans l'OTAN. Et la question qui va se poser dans la préparation de cet accord de sortie de guerre, c'est quelles sont les garanties qui vont entourer une Ukraine qui aura été amputée, dont une partie du territoire va être contrôlée par les Russes, et donc ils vont se demander quelles sont les garanties qu'ils vont mettre à portée,
Et que dit Trump aujourd'hui ? Trump dit ça, c'est le problème des Européens. Vous aurez à payer la reconstruction de l'Ukraine et vous aurez à en assurer la sécurité. Alors même qu'on n'a pas commencé le début d'un réarmement sérieux en Europe. Et c'est ça qui est dramatique dans cette affaire. Mon livre est un signal d'alarme devant l'imprévision, l'aveuglement des somnambules qui nous gouvernent. On fait cette guerre parce qu'on ne l'évite pas. Une fois qu'elle se déroule, c'est un désastre. Et à la sortie, les Américains disent « Ah oui, mais attends, ça passe pas par l'OTAN ». Et c'est à vous, les Européens, de vous en occuper à un moment où vous n'avez plus de gouvernement en France. Le gouvernement allemand est tombé au moment de l'élection de Trump. Il n'y a pas un sou de prévu pour le réarmement. de l'Europe et pas un sou pour les 700 milliards qu'il faudra pour reconstruire l'Ukraine. Voilà la situation qu'on a créée. Et j'entends un M. Tenzer qui nous explique. Alors maintenant, je vais quand même... Parce que moi aussi, je vous ai lu. Vous parlez de défaite totale de Poutine. Vous dites... Il ne saurait y avoir d'armistice, mais il faut une capitulation sans condition de la Russie.
Mais de quoi vous parlez, M. Tenzer ? Qui c'est qui va aller obtenir la capitulation sans condition de la Russie ? C’est une blague ?
Nicolas Tenzer
Justement non.
(Transcription incomplète ici pour des raisons de qualité audio)
Pierre Lellouche
J'ai été président de l'Assemblée de l'OTAN, considéré comme atlantiste toute ma vie. Aujourd'hui, j'entends des gens qui nous disent... qu'il faut aller convaincre, virer tout Poutine de Moscou et occuper Moscou. Non mais à part ça, tout va bien.
Nicolas Tenzer
Mais c'est lui qui dit qu'il faut occuper Moscou. Personne ne l'a dit.
Pierre Lellouche
Attendez.
Ni compromis, ni d'accord juste mesure avec Poutine. Il ne saurait y avoir d'armistice, mais uniquement une capitulation sans condition.
Alain Finkielkraut
Vous l'avez déjà dit.
Pierre Lellouche
Les mots ont un sens, quand même.
Nicolas Tenzer
Oui, mais c'est pas nécessairement occuper Moscou. D'abord, effectivement, quand vous d'ailleurs parlez, je dirais, d'une guerre déclenchée à cause de l'adhésion, de perspectives d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, tout ceci est tout simplement faux. Il n'en avait pas été question avant, encore une fois, que la Russie n'attaque l'Ukraine en 2014. Mais non, mais bien sûr que c'était en question.
Pierre Lellouche
Yushchenko lui-même l'a dit, M. Tenzer. Arrêtez !
Nicolas Tenzer
Mais non. Ça a été, encore une fois, ça a été clairement acté, je le regrette d'ailleurs, en 2008 et il n'était pas question en 2014 d'y revenir. Donc tout ceci c'est un prétexte, c'est une construction effectivement du discours du Kremlin, c'est un récit, voilà. Que derrière vous ayez une inconséquence totale des Américains, oui, mais la politique américaine est une politique inconséquente depuis extrêmement longtemps, elle l'a été en Syrie, elle l'est au Moyen-Orient de manière générale, elle l'est vis-à-vis de l'Europe, et là-dessus effectivement nous sommes totalement d'accord.
Pourquoi ? Parce que vous avez des conseillers, y compris des conseillers de Biden, que je connais un peu, comme Jake Sullivan, conseiller national de sécurité, qui continuent à acheter le discours d'une sorte de guerre qu'il faut absolument éviter entre la Russie et l'OTAN, comme si c'était cela. Quant à la capitulation, je voudrais vous répondre là-dessus. Je dirais, est-ce que vous auriez, excusez-moi, pour moi il y a une longue ligne, mais ça c'est mon histoire personnelle. Aussi parce que je pense qu'il y a un certain moment où le fil de l'histoire, je l'évoque dans mon livre, il faut le remonter. Il y a une longue route qui va d'Auschwitz à Marioupol.
Et aujourd'hui le vrai sujet, c'est la question qu'on l'a posée à Nuremberg. Est-ce que devant un régime qui commet volontairement le mal, le mal radical, le mal radical par des destructions volontaires de villes, l'assassinat d'enfants, l'assassinat de femmes, est-ce que l'on peut aujourd'hui faire la paix ? Et si l'on ne fait pas la paix, si on négocie et si on n'est pas dans une perspective de capitulation radicale, Est-ce que demain, nous ne présentons pas, nous ne prenons pas le risque d'une guerre encore plus dure ? Et c'est ça le vrai sujet. Et maintenant, la Russie. Regardez l'état de la Russie. La Russie, encore une fois, c'est une menace. Mais la Russie est aussi un état en faillite. Qui dit ce qui va se passer dans 5 ans ?
Alain Finkielkraut
Mais attendez, Nicolas Tenzer.
Pierre Lellouche
C'est la France qui est en faillite, mon pauvre ami.
Nicolas Tenzer
La France est dans un mauvais état, je vous l'accorde.
Pierre Lellouche
Je regarde la Russie avec 4% de croissance et nous avec...
Nicolas Tenzer
Allez avoir des hôpitaux et des routes russes. Je préfère vivre en France que d'être soigné dans un hôpital russe.
Alain Finkielkraut
Mais Nicolas Tenzer, d'un autre côté, quand vous dites la capitulation de Poutine, est-ce que ce n'est pas prendre ses rêves pour des réalités ? Et vous dites notre guerre. Cela voudra-t-il dire qu'il faut faire la guerre à Poutine pour obtenir cette capitalisation. Et je voudrais ajouter à cela un autre élément, celui de la menace nucléaire. Tout récemment encore, il a parlé avec délectation, avec gourmandise, du missile Orenchnik, c'est ça, qui pourrait faire des destructions. Il n'en pouvait plus de bonheur. La dissuasion nous avait convaincus que la bombe pouvait être un instrument de paix. Mais aujourd'hui, cette croyance ne tient plus. L'apocalypse nucléaire redevient d'actualité. Pierre Lellouche l'a dit, c'est-à-dire que maintenant, on n'a plus de garantie de sécurité, donc tout le monde veut l'arme nucléaire. Est-ce qu'il ne faut pas prendre cette inquiétude au sérieux, Pierre Lellouche ?
Pierre Lellouche
Alors, je voudrais revenir à l'essentiel. L'essentiel que vous soulevez commence au mois d'avril 2022, quand on se rend compte que les Russes ont été repoussés de leur tentative de prendre Kiev. En avril 2022, les Américains prennent la décision de s'engager dans la guerre. Ils commencent à livrer vraiment des armes et les Européens vont suivre. À partir de ce moment-là, je pèse mes mots, on rentre, dans une guerre par procuration non déclarée entre l'OTAN et la Russie. Très vite, Biden dit, je ne veux pas de troisième guerre mondiale. Donc la guerre, elle est contrainte dans des règles implicites ou même explicites par moment, dans lesquelles on va s'efforcer du côté du Pentagone à confiner la guerre géographiquement à l'intérieur du territoire de l'Ukraine.
Avec plusieurs conséquences. Un, interdiction de faire voler des avions de l'OTAN contre les bombardiers russes. Zelensky demande un no-fly zone, il ne l'aura pas. Interdiction de mettre des forces étrangères en Ukraine. No boots on the ground. Et troisièmement, interdiction de viser le territoire russe parce qu'on sait jamais, ça peut déclencher une escalade de nucléaire.
Et en échange, les Russes ne frappent pas l'approvisionnement des armes américaines qui passent par l'Allemagne et par la Pologne. Et on est dans cette situation là. Sauf que la guerre, Elle évolue. C'est ce qu'on appelle le brouillard de la guerre. C'est pas linéaire une guerre. Il y a une phase où l'Ukraine est plutôt en poussée, en 2002, et où on pense... — En 2022.
En 2022. Et M. Tenzer et plein d'autres disent qu'on va gagner. Il faut encourager les offensives, etc. L'été se passe bien, l'été 2022. Les Russes s'inquiètent. Et vers la fin de... Vers novembre 2022, les Américains interceptent des communications des Russes qui prévoient l'utilisation d'une arme nucléaire tactique. Et là, branle-bas de combat, on va chercher les chinois, on s'efforce de calmer le jeu, et on passe pas très loin d'une potentielle escalade à ce moment-là. 2023, l'offensive armée par l'OTAN rate, les Ukrainiens ne percent pas les forces russes, et là on s'installe dans cette guerre de tranchées qui tourne en défaveur de l'Ukraine, aujourd'hui. Et là, les Ukrainiens, ils ont besoin d'en sortir. Donc ils essayent de faire cette percée l'été dernier à Koursk, mais qui ne donne rien. Et puis surtout, ils demandent aux Américains des armes à longue portée pour frapper le plus loin possible à l'intérieur de la Russie. Eux-mêmes y arrivent avec leurs propres drones, mais ce n'est pas assez. Il leur faut ces fameux ATACMS, des missiles de 300-400 km de portée. Missiles français et anglais aussi, portés par avion. Et les Ukrainiens essayent de forcer les Russes à la négociation en frappant en profondeur. Sauf que ces frappes en profondeur, les Russes les vivent comme une attaque de l'OTAN sur leur territoire, modifient leur doctrine nucléaire et menacent de répliquer par des armes nucléaires.
A partir de là, On peut penser que c'est un jeu, on peut penser qu'il y a un risque. Ce que je constate, c'est qu'à mesure qu'on s'approche de la négociation inévitable, que Zelensky aujourd'hui considère comme inévitable, les sondages en Ukraine montrent que les Ukrainiens veulent une négociation. et sont prêts... Je cite des sondages Gallup qui ont été publiés il y a deux jours dans la presse anglo-américaine. Ils sont peut-être faux, mais enfin je cite des faits. L'évolution de l'opinion ukrainienne, l'Ukraine est épuisée, les gens en ont marre de la guerre, et ça peut se comprendre. Donc l'idée d'échanger des territoires contre la paix...
Bon, après, comment on en sort ? On en sort très probablement par ce qui avait été négocié déjà entre les Russes et les Ukrainiens en avril 2022, qui est dans mon livre, parce que les documents existent. Et c'était quoi ? C'était une zone démilitarisée le long de la ligne de front. Comme en Corée ou en Chine. C'est la Corée finalement.
Alain Finkielkraut
Ce ne sera pas la paix mais l'armistice.
Pierre Lellouche
Naturellement, nous les Occidentaux ni les Ukrainiens ne reconnaîtrons pas les territoires occupés par les Russes. On laisse le temps au temps par la diplomatie. C'est ce que dit aujourd'hui Zelensky lui-même. On va libérer ces territoires par la diplomatie. Et entre temps, il faut quand même trouver des garanties de sécurité pour l'Ukraine qui va être, elle, indépendante et que Poutine aura forgée en tant que nation. Parce que l'un des paradoxes de cette guerre, c'est que non seulement Poutine voit l'élargissement de l'OTAN à la Finlande et à la Suède, mais en plus il aura fabriqué une vraie nation ukrainienne. Donc ceux-là, ils veulent maintenant une garantie.
Et je redis que le paradoxe sinistre de cette affaire, c'est que les Américains, et les Allemands d'ailleurs, disent pas question que ce soit l'OTAN. Alors Trump, il va dire, vous les Européens, vous êtes assez grands pour vous en occuper.
Question, est-ce que nous sommes prêts, nous les Européens, au défi qui est devant nous, c'est-à-dire d'éviter de refermer la plaie avec l'infection dedans, comme disait Jacques Bainville après le traité de Versailles. Est-ce qu'on est prêt à assurer sérieusement la sécurité de l'Ukraine ? Est-ce qu'on a mis l'argent de côté ? Est-ce que Mme Von der Leyen va relancer ses 500 milliards de verdissements de l'économie pour les mettre dans la défense, la reconstruction de l'Ukraine et les garanties de sécurité ?
D'ores et déjà, il va falloir préparer des forces européennes à se mettre dans la zone d'interposition entre Russes et Ukrainiens, et ensuite, prévoir à long terme la sécurisation de l'Ukraine, qui pourra être membre de l'Union Européenne, parce que ça, ça avait été acté en 2022. Voilà comment se présente la négociation. Elle va être complexe. Trump va essayer d'obtenir des Russes qui n'ont pas nécessairement envie, parce qu'ils sont en opposition de force, d'entrer dans la négociation. de garantir la possibilité pour l'Ukraine de rentrer dans l'Union Européenne, ce n'est pas encore fait, et ensuite trouver les moyens financiers et militaires de garantir la sécurité de l'Ukraine. Là, ce qui nous attend.
Alain Finkielkraut
Alors, la formule de Bainville, je voudrais la citer toute entière. Et c'était... Il dénonçait l'erreur des chirurgiens de Versailles qui avaient recousu le ventre de l'Europe sans avoir vidé l'abcès.
Et Bainville, « Les conséquences politiques de la paix » est un livre génial.
Pierre Lellouche
Bainville a fait l'analyse la plus juste du traité de Versailles que j'ai jamais lue.
Alain Finkielkraut
Comme Keynes, d'ailleurs.
Nicolas Tenzer
Maintenant, je voudrais revenir sur deux points, qui ont été évoqués à la fois dans votre question et dans la remarque de Pierre Lellouche. La première question, c'est effectivement, à un certain moment, si nous souhaitons gagner la guerre, nous devons nous-mêmes, je dirais... Enfin, quand je dis « nous », ce sont les Européens, alliés, d'une certaine manière y participer ? Ça ne veut pas dire envoyer, rétablir la conscription, envoyer des dizaines de milliers de jeunes Polonais, Français, etc. combattre. Ça ne s'agit pas de cela.
Mais est-ce que nous pouvons gagner une guerre par procuration ? Ma réponse est clairement non. Ma réponse est non. Et j'en mesure les conséquences. Je ne dis pas que nous y sommes prêts. ni politiquement, ni militairement, mais je pense qu'aujourd'hui nous devons tout simplement, je dirais de manière parfaitement lucide, nous poser cette question.
Il y a un deuxième aspect qui est la question effectivement de la menace nucléaire. La menace nucléaire agitée par les Russes, elle l'est depuis extrêmement longtemps, pour n'en rester qu'à l'ère de Poutine, elle l'est par Poutine depuis extrêmement longtemps. Ce n'est pas du tout quelque chose de nouveau, j'ai tout un chapitre effectivement dans mon livre où je décris tout cela, comment ça rejoint un certain nombre de discours aussi d'ailleurs littéraire, effectivement, de la part de Poutine, je dirais, de la littérature russe nationaliste. Comment ça rejoint aussi la vision apocalyptique de l'Église orthodoxe russe du patriarche Kyril ? Comment ça rejoint tout cela ? On voit effectivement des évocations de la destruction, etc. Mais ça ne veut absolument pas dire que Poutine, je dirais, lancerait ces termes nucléaires. Il l'utilise parce que, tout simplement, c'est une manière de nous dissuader et qui nous a, de fait, dissuadée depuis 24 ans. C'est ça la réalité. Et qui encore aujourd'hui dissuade les Américains.
Alain Finkielkraut
Mais Nicolas Tenzer...
Nicolas Tenzer
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de risque zéro, il n'y a jamais de risque zéro.
Alain Finkielkraut
On est passé d'une dissuasion silencieuse à une menace tapageuse. Il faut quand même en tenir compte. Un jour, il les utilisera, à force de le dire.
Nicolas Tenzer
Vous savez, ce n'est pas du tout quelque chose qui me paraît nécessaire. Je ne dis pas qu'il ne faut pas surveiller, qu'il ne faut pas être prudent, qu'il ne faut pas considérer le risque. Mais vous y voyez quand même une raison. C'est-à-dire que si à partir d'un moment où une grande puissance nucléaire... D'ailleurs, je suis une puissance nucléaire. Donc maintenant, vous cédez à mes désidérata. Regardez ce qui peut se passer, à la fois quand l'Iran acquerra la bombe, voyez ce qui peut se passer avec la Chine vis-à-vis de Taïwan, et je pense que ça c'est un défi, je ne dis pas que c'est une question simple, mais c'est un défi que les puissances démocratiques doivent régler. Est-ce que nous cédons à un certain moment à ce chantage nucléaire ?
Dernier point, puisque Pierre Lellouche l'a évoqué, sur la question des solutions. Encore une fois, il y a des solutions peut-être à court terme, mais il faut bien voir que si à un certain moment nous cédons à Poutine, une partie du territoire, même si ce n'est pas effectivement reconnu, je dirais, dans un traité que nous ne reconnaissons pas formellement une amputation de l'Ukraine. Qu'est-ce que ça voudra dire pour notre crédibilité ? Est-ce que ça ne va pas, là aussi, donner un certain nombre de signaux à d'autres de nos alliés, que ce soit la Corée du Sud, que ce soit le Japon, que ce soit l'Australie ? Je dirais de se dire qu'est-ce qu'aujourd'hui nous faisons par rapport à cette sécurité ? Je pense que derrière nous avons vraiment cette question-là. Et dernier point que je voudrais quand même évoquer, parce que je suis désolé, moi je suis hanté par cette histoire pour des tas de raisons que j'ai évoquées tout à l'heure. Mais si nous cédons à M. Poutine une partie des territoires du Donbass et la Crimée, vous savez très bien ce qui se passe tous les jours. Dans ces territoires occupés par la Russie, ce sont des tortures, ce sont des déportations d'enfants, ce qui est un crime de génocide en vertu de la convention du 9 décembre 1948, ce sont des viols collectifs, ce sont des exécutions sommaires. Et est-ce que nous, alliés, nous pouvons donner à M. Poutine un droit de tuer, un permis ? de tuer. Je veux dire, nous sommes à un certain moment aussi devant ces questions-là.
Pierre Lellouche
Monsieur Tenzer, on va redescendre sur terre.
Nicolas Tenzer
C'est quand même la réalité.
Pierre Lellouche
On va redescendre sur terre, deux secondes.
Nicolas Tenzer
Le crime, on dirait, n'a pas d'importance pour vous. Mais pour moi, si. Non, mais attendez.
Pierre Lellouche
Bien sûr, je suis criminel. En plus d'être un espion du KGB, je suis criminel. Non, mais vous n'êtes pas le sujet. Permettez-moi de redescendre.
Nicolas Tenzer
Mais la question du crime est essentielle.
Pierre Lellouche
On peut redescendre deux secondes sur terre et partir d'une phrase très simple qui va m'amener à une question. Clausewitz disait Le dessin politique est le but, la guerre est le moyen. Un moyen sans but ne se conçoit pas. Donc, je souhaiterais... Oui, c'est tout le problème. Peut-être que vous aurez dû le méditer avant d'écrire votre livre, parce que quand on dit qu'on veut abattre le régime de Poutine, ça veut dire qu'on veut faire la guerre. Au moins ça c'est clair, c'est votre but de guerre. Vous dites, cette guerre c'est notre guerre, je vous cite. Il n'y a pas de négociation possible, sauf la capitulation. Donc votre but de guerre, c'est bien d'aller à Moscou renverser Poutine.
Nicolas Tenzer
C'est pas nécessairement d'aller à Moscou, c'est de renverser Poutine, c'est pas nécessairement d'envoyer.
Pierre Lellouche
Des chariots, des motos à Moscou. — Non mais vous dites « notre guerre », c'est notre guerre. On peut pas dire tout et le contraire de tout. Vous dites « c'est notre guerre », il faut gagner cette guerre. — Oui, on est d'accord. — Ah oui, mais il faut pas envoyer des jeunes et il faut pas faire une guerre atomique. Alors comment est-ce que vous renversez Poutine ? Il y a un moment où, si vous voulez, il faut toucher terre. Ou bien vous voulez faire la guerre. Ça, je peux le comprendre. Dans ce cas-là, il faut dire aux Français qu'on va mobiliser mobilisation générale, on va faire une économie de guerre, une vraie, pas celle de Macron, une vraie, et on va mener cette guerre. Ou alors, on se dit qu'on va pas faire la guerre, qu'on va pas aller vers la 3e guerre mondiale, mais qu'on va trouver le moyen de donner un avenir à l'Ukraine, malgré tout, de trouver le moyen de l'intégrer dans la famille européenne. Ce qui va poser d'ailleurs d'énormes problèmes. Demandez aux agriculteurs français, ils vont vous expliquer. Énorme problème. Énorme quantité d'argent. Ça va être extrêmement difficile et en même temps réarmer parce que c'est nécessaire. Ça, c'est la position de quelqu'un qui est un réaliste en politique internationale.
Alors les crimes de guerre, malheureusement, vous savez, l'ISS, l'Institut stratégique de Londres, a constaté l'année dernière qu'il y avait 138 guerres en ce moment. Il y a en ce moment des centaines de milliers de gens qui meurent au Soudan. 300 000 morts au Soudan, 500 000 en Syrie, des massacres d'enfants, des viols à répétition au Niger, au Nigeria, au Cameroun, partout. Le monde, malheureusement, est en flammes.
Donc la question pour un Européen aujourd'hui, c'est est-ce qu'on suit M. Tenzer qui nous parle de capitulation de la Russie, de Poutine, parce que Poutine c'est le mal, je vous entends, Zelensky et nous c'est le bien, lui c'est le mal, ou bien la Russie étant notre voisin, étant une puissance nucléaire, nous aussi, avec une Europe fragile, endettés, qui décrochent économiquement, est-ce que c'est le moment, à votre avis, de déclencher une 3e guerre mondiale ? C'est tout.
Moi, je m'adresse... Vous savez, j'ai quand même fait cinq mandats au Parlement. J'ai eu l'occasion d'être au gouvernement. Je sais la difficulté de gouverner, d'être dans une démocratie. Quand j'entends des trucs comme ce que vous écrivez, je suis effondré parce que c'est juste pas... D'abord, parler de guerre nucléaire comme si c'était que dalle. Mais c'est gravissime, monsieur. Quand vous commencez... Mais non, c'est pas de la caricature. Quand vous dites que la menace des caisses d'escalade est une blague... Mais si quelqu'un s'amuse à toucher une arme nucléaire, monsieur... on sait pas où ça s'arrête. Ce qu'on sait c'est que ça peut conduire à la mort de 2 milliards de personnes. Alors avant de parler de capitulation de Poutine et pourquoi pas de Xi Jinping parce qu'il faut pas qu'il intervienne en Taïwan ou de Trump demain parce que Trump voudra empêcher les Chinois de s'installer dans un port en eau profonde au Pérou parce que c'est ça qui est prévu. Le jour où les Chinois viendront aux frontières des Etats-Unis, je veux savoir ce qui va se passer côté américain.
Nicolas Tenzer
Vous aurez une photo de ce que.
Pierre Lellouche
Vous aurez à Moscou.
Alain Finkielkraut
Nicolas Tenzer et j'aurais une question à poser j'espère.
Nicolas Tenzer
Voilà, à mon avis tout ceci est quand même un tout petit peu, je dirais, quand même très confusionniste dans votre esprit. Je vais vous dire la chose, parce que vous mélangez des tas de choses. Non mais attendez, attendez, voilà, écoutez...
Pierre Lellouche
Un peu de modestie, ça vous ferait pas de mal non plus, hein, entre nous.
Nicolas Tenzer
Non mais alors, écoutez, moi je vais revenir sur un point. Là, vous faites effectivement, vous grossissez volontairement le trait, c'est-à-dire que tout de suite, vous parlez de Troisième Guerre mondiale, moi encore une fois, je suis désolé d'y insister, je sais très bien d'où vient ce discours. Deuxièmement, vous insistez aussi, vous dites qu'il va falloir qu'absolument, entre les jeunes français...
Pierre Lellouche
La troisième guerre mondiale, ça vient de Biden. — Attendez. Non.
Nicolas Tenzer
Il va falloir que tous les Français... — Biden, qui en parle.
Pierre Lellouche
Oui.
Nicolas Tenzer
Mais justement, d'où est-ce que ça vient, le fait que Biden en ait parlé ? Ça, je pense que c'est une vraie question qui doit nous interroger sur la.
Alain Finkielkraut
Manière...Mais le risque existe, non, Nicolas Tenzer ?
Nicolas Tenzer
Mais attendez. Il y a bien sûr toujours un risque. Mais est-ce que vous cédez ? Est-ce que vous êtes prêts ? Moi je suis parfaitement convaincu que Poutine ou les gens comme lui, parce que ce n'est pas uniquement une question de Poutine, il y a d'autres personnes comme lui, que si à partir du moment où nous cédons en Ukraine, nous sommes nécessairement, je dirais, les prochains sur la liste. Je voudrais revenir quand même sur des questions précises que vous avez évoquées. Il ne s'agit pas nécessairement d'envoyer des centaines de milliers d'Européens combattre les armes à la main, parce que tout simplement sur le plan strictement tactique et des moyens opérationnels, ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. Défaire la Russie en Ukraine, c'est-à-dire tout simplement éliminer les forces russes qui stationnent sur le sol ukrainien ou qui visent des objectifs en Ukraine, c'est ça la capitulation. Et parce que là, derrière, ça aura des conséquences.
Pierre Lellouche
Vous allez le faire comment ?
Nicolas Tenzer
Attendez. Mais vous avez... Encore une fois, vous avez quand même... Aujourd'hui, il n'y a plus personne... Plus.
Pierre Lellouche
Personne aujourd'hui, même pas en Ukraine, croit à une victoire militaire. Vous allez le faire comment ? Sauf si l'OTAN rentre en Ukraine pour sortir les Russes. Vous êtes prêts à faire ça ?
Nicolas Tenzer
Ah ben moi, je pense...
Pierre Lellouche
Vous êtes prêts à faire ça ?
Nicolas Tenzer
Je pense que si nous avions fait cela... Si nous avions fait cela... — Non, non.
Pierre Lellouche
Mais je vais demander aujourd'hui. Vous voulez rentrer en Ukraine ? en Ukraine faire la guerre et repousser les Russes.
Nicolas Tenzer
Mais pourquoi vous n'y allez pas vous-même ? Excusez-moi, ça ce sont les trolls de bas étage sur les réseaux sociaux.
Pierre Lellouche
Les trolls de bas étage ? Maintenant je suis troll ? Mais attendez, c'est juste pas possible de discuter avec un gars comme vous, mais vous êtes malade. Confusionniste, KGB, troll, ça va pas ? Vous pouvez pas admettre que quelqu'un pense pas comme vous ? Vous n'êtes pas tellement... Non, non, bien sûr que je l'admets. La preuve, c'est que je suis là. Et après avoir lu ce monsieur...
Nicolas Tenzer
Mais de là, monsieur...
Pierre Lellouche
Je vous pose une question précise. La seule façon aujourd'hui pour l'Ukraine, militairement, de sortir les forces russes du Donbass et de Crimée, c'est de faire appel à l'OTAN. Il faut que l'OTAN rentre pour libérer l'Ukraine.
Nicolas Tenzer
Si vous me demandez cela, je dis oui. Et c'est d'ailleurs la suggestion que je fais depuis le 24 février 2022. — Voilà.
Pierre Lellouche
Voilà.
Nicolas Tenzer
C'est-à-dire ?
Alain Finkielkraut
Qu'est-ce que vous faites ?
Pierre Lellouche
Entrer en guerre contre la Russie.
Alain Finkielkraut
Nicolas Tenzer.
Nicolas Tenzer
Et je pense que la Russie aurait cédé, et que la Russie peut.
Pierre Lellouche
Céder, parce que tout simplement, les forces.
Nicolas Tenzer
De l'OTAN...
Pierre Lellouche
M. Tenzer, vous êtes donc d'accord pour entrer en guerre contre la Russie ? — Vous voulez aller faire la guerre à la Russie ?
Alain Finkielkraut
Mais attendez. Alors il va vous répondre. Pierre Lellouche, il va vous répondre.
Nicolas Tenzer
Quand vous allez, en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations unies, défendre une nation agressée, est-ce que c'est faire la guerre ou pas ?
Alain Finkielkraut
C'est la même question.
Nicolas Tenzer
C'est aujourd'hui effectivement sur le sol ukrainien expulser les forces russes. Il ne s'agit pas d'aller conquérir la Russie. Il ne s'agit pas d'aller à Moscou. Il ne s'agit pas effectivement d'aller assassiner M. Poutine. Il ne s'agit pas du tout la question...
Pierre Lellouche
Il faut qu'il capitule quand même. C'est ce que vous avez écrit. Il faut une capitulation.
Nicolas Tenzer
Mais écoutez, aujourd'hui à un certain moment où ils perdent la guerre en Ukraine...
Pierre Lellouche
Il faut qu'il capitule. Très bien. Donc vous êtes prêt à engager l'OTAN dans une guerre contre la Russie ?
Nicolas Tenzer
Ça veut dire qu'évidemment l'OTAN devra s'impliquer pour protéger l'Ukraine. Ce n'est pas nécessairement une guerre totale. On est impliqués. On est très peu impliqués.
Pierre Lellouche
On est à mi-chemin.
Nicolas Tenzer
On est à mi-chemin.
Pierre Lellouche
De dollars ont été investis en Ukraine, dont plus de 100 milliards d'aides militaires.
Nicolas Tenzer
C'est beaucoup moins qu'en Afghanistan ou en Irak si vous prenez les chiffres de ce qu'ont consacré les Américains, je dirais, dans ces deux guerres. C'est pas énorme.
Pierre Lellouche
Donc vous voulez plus d'armes et vous voulez mettre des forces occidentales en Ukraine.
Nicolas Tenzer
Pour Oui, mais ça ne veut pas dire 300 000 soldats français. C'est ça que je veux dire.
Pierre Lellouche
On n'a pas besoin de tout ça.
Nicolas Tenzer
On ne les a pas. Donc ce n'est pas la question. Ce n'est pas la mobilisation des jeunes français. Parce que ça, c'est un discours que certains ont dit quand le Président de la République a évoqué tout cela.
Pierre Lellouche
On envoie qui ? Si vous ne voulez pas mobiliser, on en voit qui ? Aujourd'hui on a 20 000 hommes disponibles, c'est tout ce qu'on a.
Nicolas Tenzer
On peut aller jusqu'à 40 ou 50 000, mais on n'a pas nécessairement...
Pierre Lellouche
Le général Schill que je cite dans mon livre, quand M. Macron a évoqué l'idée d'envoyer des mecs, comme il a dit on envoie des mecs en Ukraine, les mecs en question aujourd'hui disponibles à l'armée française c'est 20 000.
Nicolas Tenzer
Oui, mais attendez, ce serait suffisamment dissuasif ? Ce serait déjà assez dissuasif ?
Pierre Lellouche
Il y a 1 million d'hommes, M. Tenzer, le long de cette frontière de 1 000 km, 1 million d'hommes. dont des Nord-Coréens. Donc vous voulez qu'on soit les Nord-Coréens des Italiens ?
Nicolas Tenzer
Non mais attendez, il ne faut pas commencer à attaquer non plus. Vous savez, il y a un aspect de dissuasion. C'est un mot qui est quand même important dans le langage militaire. Vous êtes d'accord ?
Pierre Lellouche
Je discute ça longuement dans mon livre. On met 20 000 soldats le long de la frontière. Et vous pensez que les Russes ne vont pas taper sur les soldats français ou allemands ?
Nicolas Tenzer
Enfin français ou allemands, il faudrait une coalition. Vous n'avez pas question que les Français aillent seuls. On est tous d'accord.
Pierre Lellouche
Dès lors qu'ils sont sur le sol ukrainien, les Russes ne les toucheront pas.
Nicolas Tenzer
Je pense que les Russes n'y toucheront pas. Oui, absolument.
Pierre Lellouche
Ils ne le toucheront pas. Et s'ils y touchent, par hasard, supposons que vous ayez tort, et qu'ils reçoivent un missile sur la tête, qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là ?
Nicolas Tenzer
On réplique sur le sol russe, bien sûr. Mais attendez, je veux dire, là-dessus, la.
Pierre Lellouche
Question n'est pas là. Avec quoi ?
Nicolas Tenzer
Non mais attendez, l'idée essentielle, c'est que ce n'est pas uniquement les forces européennes...
Pierre Lellouche
On riposte avec quoi ? Mais attendez, aujourd'hui, Vous passez aux armes nucléaires parce qu'on n'a plus de réserve derrière. Quand on parle de faire la guerre, on essaye d'être sérieux, d'accord ? Ce sont des choses sérieuses qui peuvent conduire à la mort de dizaines, de centaines de millions de personnes. Vous êtes en train de nous parler de faire entrer des forces de l'OTAN en Ukraine pour faire la guerre aux Russes avec un risque d'escalade...
Nicolas Tenzer
Les garanties de sécurité c'est quoi d'ailleurs dont vous parliez tout à l'heure ? Sinon effectivement des troupes stationnées en Ukraine ? C'est fini ! C'est fini ! C'est fini ! Il faut être cohérent.
Alain Finkielkraut
Voilà, il faut être cohérent. Vous avez eu le premier mot Pierre Lellouche, Nicolas Tenzer a le dernier.
Pierre Lellouche
Le mot de cohérence, qui nous va fort bien d'ailleurs.
Alain Finkielkraut
Je renvoie alors, à vos deux livres. Comme ça, la discussion, chacun pourra la continuer à l'intérieur de lui-même. Nicolas Tenzer, « Notre guerre, le crime et l'oubli » pour une pensée stratégique aux éditions de l'Observatoire.
Pierre Lellouche, « Engrenage, la guerre d'Ukraine et le basculement du monde » chez Odile Jacob.
C'était donc « Réplique », une émission d'Alain Finkielkraut, avec la collaboration de Corinne Amard, à la réalisation de François Connac, à la technique aujourd'hui, Laurent Maketti.
Transcription exclusive. Sous réserve d'erreurs.
Le sort de l'Ukraine en guerre est aujourd'hui pris en tenailles ; qu'en est-il de cette guerre ? Où en sommes-nous ? Une paix est-elle possible ? Quelle paix ?
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/la-guerre-d-ukraine-7580314